Les mots dans ma tête se chevauchent et se bousculent. Ils tentent sans succès de former une pensée, une idée finie. Des bribes d’opinion, des morceaux de questionnements, s’enchevêtrent et s’emmêlent avec anarchie. Pourtant, je me souviens de mes pensées d’enfant. Elles étaient précises. Comme bien rangées dans les tiroirs d’un bureau de secrétaire. Triées par couleur ou par ordre alphabétique. Ces pensées, je les ai égarées. Je fouille avec panique dans le bureau qu’est  mon esprit, mais je ne trouve que des brouillons. Des mots sans dessus dessous, des phrases sans queue ni tête. C’est un fouillis phénoménal qui règne, la haut. Je ne sais même plus quoi penser parce que je ne comprends plus rien. Cela ne veut rien dire, ni pour moi, ni pour personne. Je ne sais comment l’expliquer. Même pour expliquer, les mots me manquent. Comme toujours, on ne trouve jamais les choses quand on en a besoin. Je ne sais pas comment le décrire. C’est vague, c’est flou. Mon cerveau semble incomplet. On dirait une ébauche. Je pensais qu’au commencement de l’âge adulte, mes raisonnements auraient plus de sens. Je me suis trompée. Le désordre, le vide, tout cela empire avec l’âge. Je suis comme une soupe. Une soupe de lettres, une soupe de mots. Je touille dans ce mélange en cherchant mes idées, et essaye vainement de les exprimer aux autres. Mais que puis-je expliquer si moi même je ne me comprends plus.
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