Récemment, il y a deux ans la guerre faisait rage chez nous. 44 jours et 44 nuits la guerre était dans sa phase active. La guerre entre les Arméniens et les Azéris. On mène la guerre de manière différente. La guerre cachée quand la guerre se fait entre les médias officiels, réseaux sociaux et diplomates. Au temps de la guerre cachée la haine sort par des doses limitées, surtout chez les officiels, pour que l’adversaire ait non seulement l’image du coupable dans tous les péchés mortels mais, fâché par des accusations offensantes, commence à commettre des erreurs fatales, user de la langue injurieuse et des preuves absurdes. Alors apparait une raison pour ceux qui avaient provoqué une pareille réaction de l’ennemi de dire : « Regardez quel ennemi nous combattons ! Des ordures ! Est -ce qu’on peut se fier à leurs arguments ? ». Les deux parties tombent régulièrement dans ce piège. Quelque soient des batailles verbales et des intrigues rusées des diplomates, on ne peut les comparer avec la vraie guerre flambante.Les bombes qui pleuvent, les gens tués, la dévastation, le malheur, la mort. Dans toute guerre, les experts savants peuvent expliquer les causes de la réalité advenue atroce par des « raisons réelles et cachées »en remontant aux sources de la civilisation humaine, et pourtant l’essentiel c’est qu’il y ait l’agresseur et la victime de l’agresseur.Les Azéris furent les victimes de l’agression presque 30 ans. Oui. C’est vrai. Et après la deuxième guerre de Karabakh eut lieu.
Sadaguète se leva avant la levée du soleil. Elle devait balayer les bords de routes, avant que des voitures commencent à rouler à une grande vitesse le long de ces routes. Les voitures passaient en tout cas, mais leur nombre était restreint. Elle mit le gilet de sécurité réfléchissant orange. Le mal de tête n’arrêtait pas durant plusieurs jours depuis le soir quand elle n’avait pas pu joindre par téléphone son fils ; son fils unique bienaimé. Il partit à la guerre comme beaucoup de jeunes de son âge. Elle sortit l’outil essentiel de son travail – un grand balai fatigué, but un verre d’eau et se dépêcha sur la grande autoroute.Ce jour-ci il y avait peu de voitures, comme si quelqu’un se soucia de lui faciliter la tâche afin qu’il lui reste assez de force pour l’épreuve pénible. Elle ramassa des ordures. Des sacs plastiques elle mit à part,après elle les mettrait dans la poubelle spéciale. On organisa tout récemment une réunion pour toutes les balayeuses et on expliqua à toutes ces femmes comment il fallait prendre soin de la planète, de ne pas polluer l’environnement, on parla de nouvelles méthodes de nettoyage et de tri des ordures. Elle leva la main et demanda un nouveau balai, on lui expliqua qu’on traite des problèmes sérieux. Le temps pendant lequel un homme en veston-cravate parlait des tendances dans le nettoyage des terrains, la femme remuait ses pensées. Comment elle permit qu’on lui vole son fils unique et qu’on l’envoie à la guerre? Son espoir, son soutien, la lumière de ses yeux. Son mari mourut quand son fils avait un an. Les parents aidaient essentiellement par les conseils. “Marie-toi. Jeune, belle. Notre voisin est veuf. Il est encore assez fort. Il a ses cheveux et toutes ses dents. Il n’a que 50 ans. Il n’est pas pauvre. A bien réfléchir 25 ans de différence d’âge c’est pas important. Tu pourrais respirer librement! Il prendrait soin de ton fils. Allons! Donne-lui ton accord. Tu lui plais”La femme réfléchit assez longtemps. Bien sûr le parent savait ce qu’il disait. Évidemment il transmettait la demande de son voisin. La femme embrassa son bébé lui chanta une berceuse, en racontant à sa manière leur vie future. Elle s’endormit avec le petit. Le mari vint dans son sommeil, embrassa sa femme et son fils, les fixa tristement. Il hocha la tête, comme s’il voulait la prévenir de quelque chose. Non, non et non. Il hocha la tête, comme s’il voulait la prévenir de quelque chose. Le matin en se réveillant elle savait déjà qu’elle ne se marierait jamais. Elle ne voudrait pas de beau-père pour son petit garçon. Elle travailla beaucoup, ne craignant pas des travaux sales et difficiles. La femme endura toutes les peines avant que son garçon grandisse et devienne un jeune homme intelligent et beau.Elle n’eut pas le temps de jouir de la présence du jeune homme qui aimait et estimait sa mère. La guerre commença. Personne n’avait le droit d’envoyer le fils unique à la guerre. Aucune loi, ni la loi de Dieu, ni celle des humains ne permettait une telle iniquité. Non. Il pouvait rester à la maison. Mais il voulut s’inscrire dans l’armée comme volontaire. Il insista longtemps. Au dernier moment quand il reçut l’avis de venir au point de rassemblement des conscrits, il se décida d’annoncer à sa mère son départ. “Tu dois me comprendre, mère. Je ne pourrais regarder en face mes copains, partis à la guerre. Chaque fois je me dirais que je suis lâche.” Comment Sadaguète pourrait l’arrêter? Crier, pleurer, citer des centaines d’exemples quand les jeunes évitèrent la guerre et n’éprouvèrent aucun remord.”La prochaine réunion nous parlerons de la nouvelle uniforme et de nouveaux outils pour les balayeuses.”Sadaguète se réveilla et se dépêcha à la maison. Quand elle entra dans la cour de son village nommé”Zabrat” où vivaient des réfugiés de la première guerre de Karabakh et qu’on surnomma avec mépris”eraz” (les azéris d’Erevan), elle s’étonna de l’extrême attention de ses voisins. Un vieil hommes’approcha d’elle et dit très bas en la fixant:” Le maire est venu et ordonna de balayer la cour. Tout doit être propre. On amène le shahid, péri à la guerre. Il est de ces lieux. Les autorités organisent des funérailles solennelles. Tu dois comprendre que les personnes importantes viendront. Des funérailles solennelles. Ils vont inviter mollah aussi. “Sadaguète s’assit à même la terre. Ses jambes défaillirent. Elle essaya de répondre à l’homme et ne put pas. La gorge s’étrangla, la voix disparut. L’homme la regarda: “Tu penses qu’on avait tué ton fils? Ce que tu penses? Pourquoi doit-on tuer ton fils? Il se peut que ce soit un autre.”Une femme âgée qui observa la scène de sa fenêtre sortit dans la cour, prit Sadaguète par la main et l’amena chez elle. Elle la fit asseoir à table, lui servit du thé avec de la confiture de fraises. Elle caressa la main de Sadaguète. “J’ai deux petits- fils, tu sais. Quand la guerre a commencé, j’ai dit à ma fille que si les garçons vont à la guerre et quelque chose leur arrive, je m’allonge dans le tombeau avec eux.Regarde! Tu vois cette petite porte? C’est la descente dans la cave. J’ai prévenu ma fille que si quelqu’un vient les chercher je les fais descendre dans la cave et personne ne les trouvera. Pourquoi avais-tu permis à ton fils d’aller à la guerre ? Dis-moi, pourquoi ? Tout le monde sait que tu n’as qu’un fils. Et combien avais-tu travaillé pour l’élever, tout le monde sait également. Peut-être ce n’est pas lui…”Sadaguète se leva, retenant les larmes et sortit dans la cour. Prit le balai et commença à balayer violemment, pour qu’il ne reste aucune poussière, cigarette, canette de bière vide dans les coins. Elle finit son travail et alla chez elle, se coucha.Dès qu’elle commença à sommeiller, le bruit des pas se fit entendre. Elle ouvrit les yeux en priant Allah de lui offrir le sommeil éternel. Le ciel décida autrement. Elle aurait dû endurer tout le chemin vers Golgotha avec son fardeau très lourd. Elle mit le foulard très bas qui lui couvrait à moitié les yeux.Elle sortit dans la cour et se vit observée attentivement par tous les voisins. Il y eut assez longtemps qu’elle avait regardé à la télé une émission sur la corrida. Dans l’arène ronde un homme habillé comme un dandy rencontrerait son adversaire, un taureau redoutable. Une lutte mortelle attendait les deux êtres. L’un d’eux mourrait ou serait mortellement blessé. La femme ne pourrait pas détacher les yeux de l’écran ainsi que des milliers de spectateurs réunis qui soutenaient l’homme par leurs cris. Peut-être quelqu’un était pour le taureau ? Plaignait le taureau qui participait à ce duel sans le vouloir ? Ce duel se solda par la mort du taureau. Le toréador jeta par-dessus son bras son manteau rouge et marcha avec fierté dans l’arène, fêté par une foule immense.Sadaguète se sentit comme ce taureau noir malheureux, traqué. La voisine qui lui offrit du thé une heure avant, s’approcha d’elle. “Viens, ma chère, assieds-toi. Tu vois on a amené le shahid, notre fierté. Le maire va prononcer un discours pour que tout le monde sache et n’oublie jamais les héros qui vivent dans notre village Zabrat. Tu sais bien que certains gens méprisent notre village. “Zabrat nauséabond” ainsi qu’ils l’appellent. Allah vursun onları (que Dieu les punisse). Et chez nous il ya des héros comme ce garçon-shahid. Tu veux demander qui est ce shahid ? Aï, aï,aï. Apportez de l’eau, vite. Ürəyi getdi! Tutun onu! Asta-asta, başını qaldırın yerə dəyməsin. Skoriy çağırın, tez! (Son cœur ne bat plus! Tenez-la! Avec soin, levez sa tête, qu’elle ne touche pas le sol. Appelez l’ambulance, vite!)Le dernier trajet fut accompli par deux personnes. Un jeune homme – shahid, parti à la guerre de son propre gré et sa mère dont le cri demandant la miséricorde fut entendu par le Dieu tout puissant.