Les règles des vers dans la poésie classique

Voici les règles basiques de la versification classique. Ces règles vous aideront à écrire votre propre poème sur la base de la poésie classique, à l’inverse des poèmes en vers libres.

Le “e” muet

En poésie classique, le “e” ne se prononce pas :

  • En fin de vers, qu’il soit graphié “e”, “es” ou “ent”. On appelle cela une apocope.
  • Lorsqu’il est suivi par une voyelle.
  • Lorsqu’il est suivi par un “h” muet.

En poésie, le « e muet », qui peut se décliner en “es” et “ent”, se prononce dans certains cas. C’est le cas lorsque :

  • Le “e” est suivi par une consonne.
  • Quand il est graphié “es” ou “ent”

Exemples :

« Femmes, moine, vieillards, tout était descendu. » (La Fontaine) >> Se prononcent car précédés d’une consonne.

« La rim[e] est une esclav[e] et ne doit qu’obéir. » (Boileau) >> Ne se prononcent pas car suivis d’une voyelle.

« L’ami du genr[e] humain n’est pas du tout mon fait. » (Molière) >> Ne se prononce pas car suivi d’un h muet.

« Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. » (Baudelaire) >> Se prononcent car orthographiés es et ent.

« Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissé[e]. » (Racine) >> Le 1er se prononce car “es”, le second non car fin de vers.

Evidemment, le “e” à l’intérieur d’un mot est parfois muet lorsqu’il est entre une voyelle et une consonne. Exemple : “je ne t’envierai pas”.

Enfin, les formes verbales en aient de l’indicatif imparfait et du conditionnel présent, ainsi que les formes soient et aient, sont élidées (effacées) même si le “e” est orthographié “ent”.

Exemple :

« Ils ne mourai[ent] pas tous, mais tous étai[ent] frappés. » (La Fontaine)

« Je consens que mes yeux soi[ent] toujours abusés. » (Racine)

Diérèse et synérèse

La diérèse, c’est le fait de rajouter artificiellement une syllabe dans un mot via deux voyelles. Exemple : pas / si / on.

La synérèse, c’est l’inverse. “Hier”, devient alors une syllabe au lieu de deux.

Pour savoir si un mot se compte en synérèse ou en diérèse, il faut se référer à leur origine latine, ou se reporter au tableau des diphtongues, publié dans de nombreux traités de prosodie. Ou alors, décider librement de faire une synérèse ou une diérèse, en fonction du nombre de vers qu’on doit respecter, quitte à prendre un peu de distances avec les règles classiques.

Bannir les hiatus

Les hiatus sont deux voyelles collées autres que via le E muet.

  • “J’ai été ; qui a ; tu es : est à éviter
  • Dans un même mot, comme “oasis”, c’est toléré.

Types de vers et nombre syllabes

Si le vers le plus connu est l’alexandrin (12 syllabes), il existe pléthore de types de vers en poésie classique :

  • Tétrasyllabe : 4 syllabes ;
  • pentasyllabe : 5 syllabes ;
  • hexasyllabe : 6 syllabes ;
  • heptasyllabe : 7 syllabes ;
  • octosyllabe : 8 syllabes ;
  • ennéasyllabe : 9 syllabes ;
  • décasyllabe : 10 syllabes ;
  • hendécasyllabe : 11 syllabes ;
  • alexandrin : 12 syllabes.

Dans un alexandrin de 12 syllabes, la moitié du vers de six syllabes est une hémistiche. D’ailleurs, ces vers sont coupés en leur moitié en versification classique, par une césure.

Le sens peut se suivre d’un vers à l’autre, on appelle ça l’enjambement.

Coupes et césures

Définition de la coupe en poésie

Une coupe en poésie est un temps d’arrêt de la phrase, c’est-à-dire un silence, plus ou moins long, marqué dans la voix, et qui va de soit. Il peut bien sûr y avoir plusieurs coupes dans un vers.

Définition de la césure en poésie

Une césure en poésie est la coupe principale du vers. Les autres coupes sont secondaires.

Dans l’alexandrin traditionnel, la césure (donc la coupe principale !) se situe au milieu du vers, qu’elle divise en deux « hémistiches » d’égale longueur.

« Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimabl[e]. » [Boileau]).

« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloir[e]. » (Corneille)

Les formes classiques n’imposent pas toutes des césures, mais c’est le cas pour l’alexandrin (12 pieds), le décasyllabe (10 pieds) et éventuellement l’octosyllabe (8 pieds). Sauf exceptions ou idées novatrices, la césure se trouve à l’hémistiche (le milieu du vers).

Toutefois, dans certaines formes romantiques, on peut trouver deux césures. On appelle cela un trimètre, c’est-à-dire un vers à trois mesures égales :

« Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir. » (Corneille)

Il existe également des alexandrins présentant quatre mesures égales :

« J’ai langui, j’ai séché, dans les feux, dans les larm[es]. » (Racine)

Hémistiche et élision du “e” muet

Dans un alexandrin, il doit y avoir obligatoirement coupure du rythme à l’hémistiche, c’est-à-dire au milieu du vers. Et la difficulté, c’est qu’au niveau de cette coupure, la règle de l’élision du “e” muet doit s’appliquer.

Ainsi, le vers suivant de Rimbaud : L’eau meuble d’or pâle et sans fond les couches prêtes.
ne serait pas classique s’il avait écrit : L’eau meuble d’or pâle, sans fond les couches prêtes.

Les rimes

Une rime se caractérise par sa sonorité ou encore son genre (féminine ou masculine), sa qualité et sa disposition.

Genre des rimes

Dans la poésie classique, il convient d’alterner les rimes féminines et masculines, selon le schéma FFMM (ou MMFF).

  • Une rime féminine se termine par un « e muet » (graphié « e », « es » ou « ent ») qui, donc, ne se prononce pas. Dans tous les autres cas, la rime est dite masculine.
  • Une rime masculine rime avec une rime masculine, une féminine avec une féminine. Ainsi, « florale » et « floréal » ne riment pas.

Exemple :

« Que tu brilles enfin, terme pur de ma cours[e]. » (Valéry) >> rime féminine.

« On a souvent besoin d’un plus petit que soi. » (La Fontaine) >> rime masculine.

Qualité des rimes

En poésie classique, on évite autant que possible la rime pauvre.

  • Rime pauvre : seule la dernière voyelle tonique rime (aussi / lit) ;
  • rime suffisante : deux sons en commun. La dernière voyelle tonique et une même consonne, avant ou après la voyelle (cheval / banal ou pela / fêla) ;
  • rime riche : trois sons en commun : banal / chenal ;
  • rime très riche : plus de trois sons en commun.

Disposition des rimes

Il y a différentes façons de disposer les rimes. Les principales sont les suivantes :

  • AAAA : rimes continues ;
  • AABB : rimes plates ;
  • ABAB : rimes croisées ;
  • ABBA : rimes embrassées ;

En poésie classique, on peut utiliser ces quatre formes. Les rimes plates sont principalement utilisées dans les genres théâtraux – comédie sérieuse, tragi-comédie, tragédie –, dans les épopées ou les poèmes didactiques, dans les épîtres.

On peut également tenter ceci :

  • ABCABC : rimes alternées ;
  • AABCCBDDB : rimes tripartites ;
  • AAABCCCBDDDB : rimes quadripartites.

Dans tous les cas, il convient d’alterner rimes féminines et masculines, quelque soit la disposition choisie.

Rimes au singulier et au pluriel

On parle de rime au pluriel quand un vers se termine par « s », « x » ou « z ». Ainsi, un vers qui finit par « tu peux » est considéré comme pluriel.

Dans tous les autres cas, il s’agit de rimes au singulier. Une rime au pluriel doit rimer avec une rime au pluriel, au singulier avec une rime au singulier.

Exemples de rimes qui respectent à la fois la dichotomie singulier / pluriel, et féminin / masculin :

  • “Lettres” et “kilomètres” ;
  • “outrage” et “courage” ;
  • “exploits” et “lois” ;

Strophes

Une strophe est caractérisée par son nombre de vers (donc de lignes) :

  • Le monostique : un seul vers ;
  • le distique (ou couplet ou deuzain) : deux vers ;
  • le tercet : trois vers ;
  • le quatrain : quatre vers ;
  • le quintil : cinq vers ;
  • le sizain : six vers ;
  • et ainsi de suite, jusqu’à 17 vers (le « dix-septain »).

Le poème est constitué de strophes et impose un cadre stylistique préétabli, plus ou moins complexe suivant le nombre de strophes, l’alternance de rimes et le nombre de mètres à chaque vers. En voici les formes classiques les plus courantes :

  • Ballade : trois strophes et demi dont le dernier vers constitue le refrain ; il y a autant de strophes que de syllabes dans le vers (10 ou 12) ;
  • rondeau : 15 vers courts sur deux rimes ;
  • ode : deux strophes égales plus une plus courte ;
  • Sonnet : deux quatrains, deux tercets avec alternance ABBA ABBA CCD EED ou ABBA ABBA CCD EDE…

Conseils divers

  • Ne pas abuser des verbes banals : être, aller, faire…
  • Eviter les répétitions de mots.
  • Ne pas abuser des chevilles : trop, très, oh, etc…
  • Eviter les échos, à savoir les sons identiques ou voisins qui sont trop rapprochés. Espacez-les d’au moins 4 vers.

Et voilà, vous êtes parés pour écrire votre poème ! Si d’autres règles vous viennent à l’esprit, ou que vous souhaitez apporter quelques précisions, n’hésitez pas à rebondir dans les commentaires 🙂

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Written by merco6com

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