Une vie oubliée

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Il fait sombre. Une chaleur Ă©touffante m’Ă©crase le visage, ma gorge est sèche et je suis incapable de bouger. Mais la pire chose dans tout ça : la peur. Une peur indescriptible, Ă  la fois mentale et physique. Je sens que quelque chose ne va pas, je suis en danger et je n’arrive pas Ă  agir. Je me sens partir, puis revenir. Chaque moment de luciditĂ© est accompagnĂ© de secousse insupportable, de ballottement, de gauche Ă  droite. Est-ce que je suis dans un bateau ? Possible, pourtant le bourdonnement que je perçois, celui qui m’arrache les tympans depuis mon rĂ©veil, me rappelle le bruit d’une voiture. Similaire au vieux quatre-quatre dans lequel mon père nous emmenait pour partir en forĂŞt, ma soeur et moi lorsque nous Ă©tions plus jeunes. J’ai toujours aimĂ© ce vieux tas de ferraille, comme l’appelait mon père, un modèle de chez Chevrolet datant des annĂ©es 1990. Aujourd’hui ce bruit de moteur m’est insupportable. Il me rappelle mon père, ma soeur, ma vie qui me manque tellement.

Un bruit de frein et le crissement des pneus m’arrache Ă  mes pensĂ©es. Maintenant, j’ai deux certitudes. La première, c’est que je suis dans le coffre d’une voiture, quant Ă  la deuxième, la voiture vient de s’arrĂŞter. Un arrĂŞt brutal, sans doute imprĂ©vu. Ma projection en arrière me le fait penser. Je n’ai pas exactement la perception des choses mais j’ai l’impression d’être passĂ© d’une position assise Ă  allongĂ©e. Une sensation Ă©trange me parcourt la nuque, je sens comme un lĂ©ger souffle, froid, mais qui me fait du bien. Je dois sĂ»rement ĂŞtre Ă  l’arrière du coffre, collĂ©e contre la porte.

J’entends une portière claquer, tellement fort que je l’ai ressenti au plus profond de moi. Je crois que le conducteur est descendu, et Ă  prĂ©sent il s’approche, je l’entends, j’entends ses pas. Ça y est, je suis sĂ»re qu’il vient pour moi. J’imagine que nous sommes au milieu de nulle part, qu’il va me faire du mal sĂ»rement mĂŞme me tuer. Je vais disparaĂ®tre comme mon père et ma soeur. En une fraction de seconde le dernier membre de la famille Cartney sera disparu, envolĂ©. Mort.

« Allo ? Passez-moi Monsieur Ahcas je vous prie. Dites-lui que le professeur Al le demande. Oui, c’est une urgence.

–Al c’est toi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Je croyais que tu ne devais pas m’appeler, surtout pas au travail, non mais t’as vu l’heure…

–Victor Dieu merci tu rĂ©ponds enfin. Je crois que j’ai fait une connerie mon pote.. J’ai besoin de ton aide, s’il te plaĂ®t rappelle moi sur ton tĂ©lĂ©phone et fonce prendre ta voiture.

–Mais Al j’ai du travail lĂ  je…

–Je sais, je sais ! Je t’en prie, je ne t’aurais pas appelĂ© si ça n’en valait pas la peine !

–HĂ© hĂ© calme toi, tu vas commencer par m’expliquer ce qu’il se passe. Écoute je te rappelle tout de suite, ne bouge pas. »

Cette voix, c’est Ă©trange, j’ai le sentiment de la connaĂ®tre. Une voix masculine, ferme, mais complĂ©tement paniquĂ©e. Elle parvient difficilement Ă  mes oreilles, comme si j’Ă©tais enveloppĂ©e dans quelque chose, quelque chose comme du coton, m’isolant du monde extĂ©rieur. J’ai tout de mĂŞme perçu la conversation. J’ai entendu cet homme, je n’ai pas rĂŞvĂ©, mais je n’ai pas la moindre idĂ©e de son identitĂ©. Je n’arrive pas Ă  comprendre, qu’est-ce que j’ai Ă  faire dans cette histoire ?

« Victor c’est bien toi ? Dis-moi que tu es dans ta voiture je t’en prie.

–J’y suis. Tu vas enfin m’expliquer ce qu’il se passe ?

–L’entrĂ©e du tunnel Nerst, cĂ´tĂ© colline, c’est ici que je suis, dĂ©marre ta voiture et rejoins-moi lĂ -bas, je t’expliquerai en chemin.

–T’as intĂ©rĂŞt Ă  avoir une excellente raison de me faire quitter le travail Ă  cette heure.

–Oh crois moi, j’aurai aimĂ© que rien ne se passe comme ça.

–Tu vas finir par cracher le morceau oui !

–Tu te rappelles du projet, LE projet, celui sur lequel je travaille depuis dix ans…

–Tu veux dire celui dont tu ne m’as jamais divulguĂ© les dĂ©tails et demandĂ© de ne jamais posĂ© de questions ? Qu’est-ce que ça Ă  avoir avec ta situation ?

–Si je ne t’en ai jamais parlĂ© c’Ă©tait pour te protĂ©ger Vic. Mais aujourd’hui je n’ai plus le choix, j’ai besoin de toi, j’ai vraiment… besoin d’une personne de confiance.

–Tu sais que tu pourras toujours compter sur moi, quoi qu’il se passe. Toujours »

Un projet ? Mais de quoi il parle ? Mes yeux me brĂ»lent, il fait noir et pourtant je ressens ce feu, Ă  l’intĂ©rieur de mes rĂ©tines. Des picotements horribles, m’empĂŞchant de rĂ©flĂ©chir. Je suis dans une situation improbable, allongĂ©e dans le coffre d’une voiture inconnu, droguĂ©e probablement, peut-ĂŞtre mĂŞme blessĂ©e, je ne sais pas, je ne ressens rien, et tout Ă  la fois. Il y a cet homme dehors, tout près de moi, parlant Ă  un autre Ă  travers un tĂ©lĂ©phone, paniquĂ©. Il fait les cents pas, je l’entends. Mon père aussi avait cette fâcheuse habitude de ne cesser de marcher Ă  travers la ferme quand il tĂ©lĂ©phonait. Ça Ă©nervait ma soeur, elle ne supportait pas de le voir traverser sans arrĂŞt sous ses yeux. Moi, je trouvais ça amusant, il avait l’air d’un homme d’affaire. Ce genre de personne qui ne peut s’empĂŞcher de bouger, incapable de se poser, mĂŞme le temps d’un appel. J’aimerais qu’il soit lĂ , qu’il me caresse les cheveux de sa main tendre, qu’il me parle de sa voix rassurante. Mais il ne l’est pas. Il ne le sera plus jamais.

« Si je n’ai jamais pu te dire la vĂ©ritĂ©, c’est parce qu’on m’y a obligĂ©. Il y a dix ans, mes collaborateurs et moi avons fait une dĂ©couverte. PlutĂ´t une expĂ©rience…

–Quel genre d’expérience ?

–On avait besoin d’Ă©tudier le dĂ©veloppement du cerveau, des neurones plus particulièrement, durant les vingt premières annĂ©es du dĂ©veloppement humain. Seulement, ce type d’expĂ©rience n’est pas autorisĂ©, et ne le sera jamais. Nos tests Ă©taient qualifiĂ©s d’immoraux. Un problème d’Ă©thique d’après le gouvernement. C’est pourquoi on a dĂ» trouver une autre solution.

–Une solution non approuvĂ©e par l’État j’imagine…

–Tu dois comprendre que tout ce qu’on a fait, on l’a fait pour la science Vic, l’Ă©volution de la vie. Parfois les plus grandes dĂ©couvertes se font sans l’accord de tout le monde.

–Qu’est-ce que vous avez fait ?

–Comme je le disais, utiliser un ĂŞtre humain pour la science est interdit. Je veux dire, aucun enfant nĂ© de deux parents n’a le droit de subir des expĂ©rimentations tels que les nĂ´tres. On a beaucoup rĂ©flĂ©chi tu sais, et on a pensĂ© Ă  quelque chose. Une chose qui a fonctionnĂ©. C’Ă©tait notre première dĂ©couverte…

–Mon dieu Al je vais avoir une attaque si tu continues comme ça ! Vas-y, ne tourne pas autour du pot.

–Ça va te paraĂ®tre dingue, mais tu ne sais pas Ă  quel point la mĂ©decine est performante. On a rĂ©ussi Ă … «crĂ©er» un embryon.

–Je ne suis pas sûr de comprendre là, qu’est-ce que tu veux dire par «créer» ?

–CrĂ©er, c’est bien le bon terme. Je m’explique. Tu dois sĂ»rement connaĂ®tre les cellules souches, comme tout le monde, mais ce que tu ne sais pas, et que nous non plus nous ne savions pas il y a dix ans, c’est qu’on peut fabriquer un embryon Ă  partir de deux de ces cellules. Fascinant non ?

–Tu me fais une blague c’est ça ?

–Crois-moi non. Au dĂ©but, on a trouvĂ© ça gĂ©nial et on a pensĂ© qu’il fallait que le monde entier soit au courant ! Seulement, imagine le chaos que ça aurait Ă©tĂ© si cette dĂ©couverte Ă©tait tombĂ© entre de mauvaises mains. CrĂ©er des humains, tu imagines ? Qui sait quel dictateur fou aurait Ă©levĂ© une armĂ©e et conquis la planète en un rien de temps.

–C’est du dĂ©lire… tu te rends compte de ce que tu es en train de me dire ?

–Je sais, ça parait dingue mais ça ne s’arrĂŞte pas lĂ … La fille que nous avons «créé», nous l’avons… testĂ©, depuis dix ans, elle ne vit pas vraiment dans le mĂŞme monde que nous. »

Je crois que je deviens folle. Ou alors on me fait une blague ? Il doit s’agir d’une de ces stupides camĂ©ras cachĂ©es qu’on voit Ă  la tĂ©lĂ©. Une camĂ©ra en train de me filmer et dans une ou deux minutes j’entendrais SURPRISE ! Ma vie est tellement bizarre depuis ces deux dernières annĂ©es que ça ne me surprendrait mĂŞme pas. Depuis cet accident, je ne vis plus de la mĂŞme façon. Ça a changĂ© mon existence. Je suis passĂ©e d’une vie Ă  la ferme, entourĂ©e des deux seuls ĂŞtres qui comptaient pour moi, une vie calme, isolĂ©e, tranquille, avec ses moments de joies et de tristesse. Une vie normale quoi. Et maintenant ou j’en suis ? J’habite un 30 mètre carrĂ©, en plein centre-ville, je me retrouve confrontĂ© aux problèmes de la vie dont mon père m’a toujours prĂ©servĂ©. Et le pire dans cette histoire, c’est que je n’ai aucune idĂ©e de comment tout ça est arrivĂ©.

« Le mĂŞme monde que nous ? Je veux bien faire des efforts pour comprendre Al, mais lĂ , tu m’as perdu. Est-ce que tu pourrais ĂŞtre clair et vas droit au but s’il te plaĂ®t !

–Je vais essayer de te faire au plus simple, accroche-toi. Il y a dix ans, on a mis au point une machine qui permet d’accĂ©lĂ©rer de deux fois la croissance d’un humain. Le but de cette invention Ă©tait de placer l’enfant crĂ©Ă© Ă  l’intĂ©rieur de ce tube, pour Ă©tudier le dĂ©veloppement de son cerveau. Pour ça, on a utilisĂ© un système d’Ă©lectrode reliant son cerveau Ă  un ordinateur qui enregistrerait les donnĂ©es. Le tube, qu’on a appelĂ© tube de MyĂ©line, la maintenait en vie. Grâce aux Ă©lectrodes on a pu lui crĂ©er un monde, son monde. Disons plutĂ´t une rĂ©alitĂ© virtuelle, qui n’existait que dans sa tĂŞte. Comme une sorte de rĂŞve, un rĂŞve programmĂ©, sur mesure. L’expĂ©rience a Ă©tĂ© un succès, du moins pendant un certain temps.

–Bon dieu Al… ce n’est pas possible… »

Je ne sais plus quoi penser, j’ai l’esprit qui s’embrouille. Et si tout ce que venait de dire ce type Ă©tait vraie ? Et s’il existait vraiment des personnes dehors, des savants fous capable de mener de telles expĂ©riences ? Ça voudrait dire qu’il existe un enfant quelque part, une fille qui vit, si je puis dire, dans un monde qui n’est mĂŞme pas rĂ©el. On a privĂ© un ĂŞtre de l’unique chose qui le rend pleinement humain : sa libertĂ©. Une idĂ©e horrible me traverse l’esprit. Je ne veux pas y croire et pourtant c’est si Ă©vident. Et si j’Ă©tais leur prochain cobaye ? Et si cet homme que j’entends discuter m’avait enlevĂ© dans l’intention de me brancher Ă  son espèce de… machine. Les larmes me montent. Un mĂ©lange de peur et de haine. J’ai l’impression d’ĂŞtre en plein cauchemar, je dois trouver une solution pour sortir de ce coffre, je dois m’enfuir Ă  tout prix. Je ne veux pas passer le reste de ma vie enfermĂ©e dans un laboratoire.

« Mais alors qu’est ce qui s’est passĂ© ? Qu’est-ce que tu veux dire par «pendant un certain temps» ?

–Au bout de neuf ans, notre ordinateur a commencĂ© Ă  avoir des sortes de… bugs.

–Des bugs ? Et vous n’avez pas remplacĂ© l’ordinateur ?

–Ça aurait Ă©tĂ© trop simple. Le problème c’est que ceci Ă©tait impossible Vic tu comprends ? L’ordinateur comportait absolument toutes les donnĂ©es de la vie de la fille. 18 annĂ©es de donnĂ©es ça ne se rentre pas en une semaine dans un nouvel ordinateur. Il aurait fallu des annĂ©es. On n’avait pas tout ce temps-lĂ , plus les jours passait et plus nous prenions des risques que notre travail soit dĂ©couvert.

–Alors qu’est-ce que vous avez fait ?

–Tout le monde Ă©tait d’accord pour continuer encore un an, malgrĂ© les difficultĂ©s rencontrĂ©es, on devait aller au bout de l’expĂ©rience. Au bout de ce temps, la fille aurait atteint ses vingt ans, environ l’âge auquel le cerveau arrive Ă  maturitĂ©. ArrivĂ© Ă  ce stade, on s’Ă©tait tous mis d’accord.

–Et c’Ă©tait quoi votre accord au juste ?

–La fille devait disparaître.

–Attends me dis pas que vous aviez prĂ©vu de la…

–Tuer ? Si.»

Un meurtrier. L’homme qui m’a enlevĂ© est non seulement un savant fou, mais il est un meurtrier. Cette fois, j’explose. J’essaie tant bien que mal de me recroqueviller Ă  la recherche de la moindre chaleur. Toute mes forces m’ont abandonnĂ©e, le temps semble s’ĂŞtre arrĂŞtĂ©. Pendant quelques instants je ne perçois plus aucun son, le choc a Ă©tĂ© trop brutal. J’ai l’impression de revivre les jours suivant l’accident. Ces personnes hommes, femmes, enfant, me prĂ©sentant leur sincère condolĂ©ances pour la mort de mon père et ma soeur. Des personnes dont je ne connaissais ni le nom, ni le rapport qu’elles entretenaient avec mon père. Tout ça semblait si irrĂ©el. Un accident, un simple accident, voilĂ  comment l’avait qualifiĂ© le mĂ©decin. Ils Ă©taient morts noyĂ©s, le courant emportant la voiture. On n’a jamais retrouvĂ© les corps, du moins c’est ce qu’il me semble. J’ai subi un choc post-traumatique comme me l’ont si bien rĂ©pĂ©tĂ© les mĂ©decins. Depuis cette pĂ©riode, c’est le trou noir. Je me rappelle l’enterrement, je me rappelle avoir pleurĂ© sur des tombes renfermant des cercueils vides. Et ensuite, ma visite chez le psychologue. Après ça ? Rien. Aujourd’hui je vis sans mĂŞme savoir comment je suis arrivĂ©e dans ma nouvelle ville.

Le bruit de l’extĂ©rieur revient peu Ă  peu Ă  mes oreilles, je retiens mes larmes, rassemble le peu de forces qu’il me reste et tâche de me concentrer. Dans un ultime geste de dĂ©sespoir, je plaque mon oreille contre la porte. Je dois absolument savoir pourquoi je suis enfermĂ©e dans ce coffre.

« – Al ne me dit pas que tu l’as toi-mĂŞme tuĂ© ?

–Quoi ? Oh non, crois-moi, je n’en ai jamais eu l’intention.

–Mais alors, pourquoi tu me racontes tout ça ? C’est quoi le problème ?

–Je t’ai parlĂ© des dĂ©faillances du système tu te souviens ? Laisse-moi d’abord t’expliquer ce qu’il s’est passĂ©. Il y a un an, lors des dix-huit ans de la fille, certaines donnĂ©es de sa vie ont Ă©tĂ© subitement supprimĂ©es.

–Attends, tu veux dire que certains Ă©lĂ©ments de sa vie ou juste Ă©tĂ©… supprimĂ©es ? Comme s’ils n’avaient jamais existĂ© ?

–Exactement. Tu imagines alors le bordel que ça a mis ? Les donnĂ©es n’ont pas pu ĂŞtre sauvĂ©es et il nous a Ă©tĂ© impossible de les recrĂ©er.

–Qu’est-ce que ça a changĂ© Ă  sa vie ?

–Les données de deux personnages ont été effacées.

–Des personnes importantes, je veux dire, elle s’en est rendu compte ?

–Ça, c’est le moins qu’on puisse dire. Du jours au lendemain, elle a perdu les deux seuls membres de sa famille, son père et sa soeur.»

Je suis incapable d’Ă©prouver la moindre Ă©motion, mes muscles se tĂ©tanisent, tout se trouble. La nouvelle fait l’effet d’une bombe sous mon crâne. Mon dernier souffle arrive. Cette fois ci j’ai compris. La fille dont ils parlent, c’est moi.

« – Ce n’est pas vrai…

–Laisse-moi finir s’il te plaĂ®t. Après cet incident, on lui a programmĂ© un nouvel environnement. Une nouvelle ville, un nouveau logement, des Ă©tudes, une vie normale quoi. Elle a eu quelques sĂ©quelles de cet Ă©pisode mais nous avons minimisĂ© les effets. Elle ne se rappellerai pas de tout. Après ça, on a enregistrĂ© des choses très intenses dans son cerveau. Des choses qui nous ont montrĂ© qu’Anna a essayĂ© de se fabriquer un passĂ©. Comme nous l’avons privĂ© de ses souvenirs, elle s’en ait fabriquĂ© de toute pièce, et on a pu Ă©tudier comment le cerveau fonctionnait pour ça. J’Ă©tais fascinĂ© Victor tu comprends, je ne pouvais pas accepter que l’expĂ©rience s’arrĂŞte ici. C’est pourquoi je t’appelle aujourd’hui, tu dois m’aider Ă  poursuivre les recherches.

–Qu’est-ce que tu as fait Al ?

–La fille peut survivre environ deux heures hors du tube. Pendant ce temps-lĂ  elle vit dans le monde rĂ©el. Au-delĂ  de ça, l’oxygène va lui manquer et elle va mourir. Ça fait bientĂ´t une heure qu’elle n’y est plus, le temps presse.

–Attends me dis pas que tu l’as…

–Si ! C’est pourquoi je t’ai appelĂ© dès que j’ai pu. Anna est dans mon coffre, je l’amène dans mon laboratoire personnel. On va la remettre dans la machine, on va crĂ©er un programme pour qu’elle n’ait aucun souvenir de ce moment hors du tube, mais pour ça j’ai besoin que tu m’aide. Tu vas m’aider hein ?

– J’arrive. »

La lumière m’agresse les yeux. Je suis Ă©blouie, je n’arrive pas Ă  distinguer ou je suis. Je me sens flotter, je suis bien, je me laisser aller. Une sensation de lĂ©gèretĂ© s’empare de moi, mes bras se lèvent. Un cliquetis les immobilise. Je me laisse faire, je ne ressens pas le besoin de me dĂ©battre. Mes yeux commencent Ă  se dĂ©tendre, la vue me revient. D’un coup je sens une douleur dans le creux du bras, un picotement. J’arrive Ă  peine Ă  distinguer l’aiguille plantĂ©e dans mon coude, mais je la sens. Maintenant, quelque chose se pose sur ma tĂŞte. Quelque chose qui m’enveloppe le crâne et colle Ă  mon front. Ça ne me dĂ©range pas, je me sens en sĂ©curitĂ©. Je me sens dans mon Ă©lĂ©ment. Ă€ prĂ©sent mes yeux sont ouverts, jusqu’Ă  prĂ©sent ils l’avaient toujours Ă©tĂ© je crois. Mais cette fois c’est diffĂ©rent, je vois. La lumière ne m’agresse plus, comme si quelque chose me sĂ©parait d’elle. Mon esprit divague, mais avant d’Ă©mettre mon ultime battement de cils je les vois. Je vois les deux hommes, ils me regardent fixement. Je me concentre une dernière fois, parce qu’ils parlent et que j’aimerais entendre ce qu’ils disent. Les mots arrivent jusqu’Ă  moi, des mots que je ne saisis pas et que je peine Ă  distinguer : voilĂ … programme… souvenirs.

Je me réveille en sursaut, trempée de sueur, toute habillée. Je suis chez moi, en ouvrant les yeux pleinement, je surprends le visage de mon colocataire, Sacha, à tout juste deux centimètres du miens.

« Alors, la belle au bois dormant a enfin décidé de se réveiller ?

–Sacha ? Qu’est-ce que je fais la ?

–Tu veux dire sur le canapĂ© ? Oh bah je t’ai ramenĂ© cette nuit. Dis donc tu les as bien fĂŞtĂ©s tes vingt ans. C’Ă©tait notre meilleure soirĂ©e ! Par contre, la prochaine fois vas-y doucement sur l’alcool, visiblement ça ne te rĂ©ussis pas trop !

–Une soirĂ©e… Je ne comprends pas, je n’en ai aucun souvenir. J’ai fait un rĂŞve bizarre Sacha, je croyais que j’Ă©tais… Enfin non laisse tomber, tu as raison j’ai dĂ» trop boire, comme d’habitude.

–Ah ça, je te le garantis !

J’ai besoin de prendre une douche, de me remettre les idĂ©es en place. Je n’arrive pas Ă  rĂ©aliser que je viens d’avoir 20 ans. J’ai un mal de tĂŞte horrible, les jambes en compotes, et le dos en miette. Ça a du ĂŞtre une sacrĂ©e soirĂ©e, dommage que je ne me rappelle de rien. Enfin si, je me rappelle m’ĂŞtre prĂ©parĂ© hier, j’avais mis le paquet sur ma tenue d’ailleurs. Il est temps que je me change et que j’oublie tout ce mauvais rĂŞve flippant, cette histoire d’expĂ©rience, je regarde vraiment trop de films.

Un dĂ©tail attire mon attention lorsque j’enlève mon haut. Une marque violacĂ©e, au creux de mon bras. Une trace nette, un joli petit rond entourĂ© d’un bleu. Ça ressemble Ă .… une piqĂ»re. Il faut que je la montre Ă  Sacha, j’espère que ça n’est pas ce Ă  quoi je pense.

–Sacha tu sais ce que c’est ça ?

–Ah ça, … Il parait que tu as voulu tester quelque chose hier. Je t’avais dit que la drogue ce n’était pas une bonne idĂ©e Anna. Bon aller prĂ©pare toi on a cours avec Mr. Pral ce matin sois pas en retard, tu sais comment il est. »

De la drogue… Je sais que je bois beaucoup pendant les fĂŞtes, mais la drogue ? Je suis troublĂ©e, ça ne me ressemble pas. Je n’ai jamais voulu essayer, pourquoi j’aurais fait ça ? Quelqu’un Ă  du me forcer, c’est obligĂ©, mais alors… pourquoi Sacha m’aurait mentit ? Je suis perdu, tiraillĂ© par une pensĂ©e. Une pensĂ©e que j’aimerai ne pas avoir, qui me glace le sang, mais je dois l’admettre.

Et si tout simplement, je n’avais pas rĂŞvĂ© cette nuit ?

Par Elisabeth, 2018.

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Written by Elisabeth

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