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Chronicle

À toi, mon plan Q

A toi mon “plan cul”…

A toi qui m’a dit, d’emblée, que tu ne voulais pas t’attacher. Que tu revenais de loin, que tu sortais d’une histoire délicate, douloureuse, toxique. Que tu voulais de la légèreté, du fun, surtout pas de prises de tête ni de promesses. Que tu ne voulais ni projets ni obligations. En gros, que tu voulais “vivre pour toi” mais que j’avais bien entendu le choix de ne pas accepter; que tu comprendrais… Qu’après tout, si ce n’était pas moi cette fois, ce serait une autre ou encore une autre (merci Tinder!).

A toi à qui j’ai répondu, d’emblée, que moi non plus je ne voulais pas m’attacher; que je voulais vivre, sans me soucier de mes lendemains et du temps qui passe. Que moi aussi je revenais de loin, que je ne voulais plus souffrir donc plus m’attacher, plus me projeter (après tout, comment aurais tu pu vérifier la véracité de mes propos?). A toi à qui j’ai répondu “oui” d’entrée, en voulant jouer la fille blasée mais très mature de trente-six ans. Evidemment que je ne veux pas m’attacher! Comment peux tu penser le contraire, t’ai-je dit en riant à pleines dents.

Etre sexfriends. Etre ton plan cul. Que tu sois le mien. Quand on veut. Où on veut. Mais rien d’autre. 

“Oui, oui”. Emballé, c’est pesé. 

Toi, mon plan cul, tu as cru mes paroles, je t’ai donné mon approbation alors pourquoi te poser d’autres questions? Toi, tu t’es dit: “c’est une chouette fille; elle est légère, indépendante, elle ne va pas me demander un bébé dans les six mois, elle a déjà un enfant après tout…”.  Toi, mon plan cul, tu t’es dit que cela me suffisait. Qu’un message tous les trois jours, c’était déjà bien de ta part; fallait quand même pas demander plus. Et puis, pourquoi demander plus? Tu me donnais ce que nous avions pactisé, non? Du sexe sans attaches, sans sentiments, sans promesses ni belles paroles. Des soirées où nos corps parlaient pour taire nos souffrances, pour se sentir vivre puisque c’est ce que nous avions convenu: se faire plaisir, rien de plus, rien de moins.

Toi, mon plan cul, tu as sciemment cru que je me suffirais de cela. Pourquoi aurais tu d’ailleurs imaginé l’inverse? Je suis “si” indépendante, je gère “si”bien ma vie de mère fraîchement séparée. Pourquoi souhaiterais-je “déjà” une nouvelle relation durable? Et je ne cessais de te crier haut et fort que je prenais la vie -ma vie – avec une totale désinvolture, que je voulais juste vivre, sans me tracasser des après et des demains. Ne plus croire. Ne plus espérer. Nous étions donc sur la même longueur d’ondes, non?

Toi, mon plan cul, tu n’as rien vu venir. Et moi non plus. Tu ne m’as pas vue fixer des heures, des jours et des nuits mon smartphone dans l’attente d’un message de ta part. Tu ne m’as pas vue pleurer seule chez moi en écoutant “Don’t cry” des Gun’s le samedi matin car je savais encore une fois que ce ne serait pas avec toi que j’aurais droit à un resto romantique et la soirée qui va avec. Ça, c’est pas les soirées-types des plans cul. Ça, ce sont les soirées pour les couples qui veulent se projeter, qui veulent s’investir.

Toi et moi, c’est pas ça, rappelle toi, tu me l’as dit dès le départ: pas d’attaches, des “on verra”, des “peut-être que…”. 

Toi, mon plan cul, tu ne m’as pas vue écrire 100 fois le même message, l’effacer 99 fois pour m’assurer que mes quelques mots semblaient suffisamment détachés, suffisamment distants. Ne pas parler de sentiments. Ne pas parler en “nous”. Ne parler qu’en JE. Car les relations “plans culs”, c’est chacun pour soi. Surtout pas de TOI + MOI = NOUS. Non: c’est TOI+MOI=TOI+MOI. Point. Rien de plus. 

Toi mon plan cul, tu ne m’as pas vue effondrée sur mon lit à 20h30 quand, à 20h20, tu m’envoies un message pour annuler notre rendez-vous du soir. Tu n’as pas vu mes larmes couler, ma détresse me lacérer le coeur et l’âme. Non. Tu as juste reçu de ma part réponse à ton message: “pas de soucis, amuse toi bien, à la prochaine”.

Toi, mon plan cul, tu ignores la douleur que je ressens quand tu es là, à côté de moi et que je ne sais même pas, comme une gamine de dix-sept ans, si je peux te prendre la main ou si je dois me jeter sur toi et passer directement aux choses sérieuses. Ne pas savoir si je peux te parler de mon passé ou juste de ma journée de travail. Ne pas savoir si je peux te raconter ma vie ou juste la dernière soirée à laquelle je suis allée, quand mon enfant était en weekend chez mon ex. Ne pas savoir si je peux juste me coucher sur ton épaule ou directement nous faire monter dans ma chambre.

Alors on pavane. On brode. On maquille. “Ouaw, c’était génial. Orgasmique, cette fois ci”. On se dit que le sexe ouvrira peut-être la porte aux sentiments. On se dit qu’il finira bien par s’attacher, je lui donne tellement ce qu’il veut: du sexe et pas de prises de tête; le rêve quoi! si avec ça, il ne tombe finalement pas amoureux, c’est un malade ce gars!

Parce qu’on ne peut pas s’accrocher à son plan cul. C’est la règle tacite et ultime. Parce qu’on n’a pas le droit. Parce que nous avions défini les règles du jeu de prime abord. Et que je les ai acceptées. Sciemment. En connaissance de cause. Parce qu’il est interdit de tomber amoureux de son plan cul. Sinon, ce n’est plus un plan et ça devient alors une relation. Oulà! Surtout pas ce mot…!

Alors, mon plan cul, je fais quoi moi maintenant? Je deviens quoi? Ai-je le droit malgré tout d’espérer que tu deviennes autre chose qu’un plan cul? Ai-je le droit de me dire qu’un jour ce sera moi que tu voudras inviter en weekend ou au ciné? Ai je le droit d’espérer que tu seras celui qui rencontrera d’ici quelques mois mon enfant et moi les tiens?

Ai-je, penses tu, suffisamment de poids pour qu’un jour je puisse être chose pour toi qu’un numéro dans un répertoire?

Oui.

Je suis une femme. Et comme toutes les femmes, on croit. On persévère. On ne lâche jamais avant d’être complètement à terre. Et là encore, on trouvera la force pour se relever. Car on croisera le regard d’un nouveau “plan cul” , d’un nouveau gars au pseudo attirant sur Badoo ou Tinder; et on replongera. On oubliera le premier pour croire au prochain. Et si on tombe encore, on se relèvera. 

Parce que rien ne peut abattre une femme amoureuse… 

Car oui, mon plan cul, je suis amoureuse de toi. Dès la première fois. Avant même que je ne te dise, droit dans les yeux, que je ne recherchais rien d’autre que de la légèreté et du fun. Je t’ai menti. Et je déguste maintenant les conséquences de mon mensonge.

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