Alors que je sirotais un petit verre de rouge dont je ne connaissais pas le cépage – je brillais par mon ignorance sur le sujet mais je songeais à y remédier un jour – je fus happé par les jérémiades virtuelles de mon smartphone.
Les notifications me plongèrent dans ce continuum opulent et soporifique du dating 2.0. Un yorkshire vint s’égarer à mes pieds et je lui rendis sa jovialité par quelques caresses sur la nuque, avant de me mettre à lancer frénétiquement des bouteilles à la mer.
J’imaginais un vieux hardi en haut de son mât, une lunette à la main, et qui me toisait allègrement. Les navigateurs n’avaient nul besoin de s’amouracher de jeunes femmes apprêtées et superficielles. Ils parcouraient les mers et « dansaient au milieu des vagues, le coeur en joie, d’avoir jeté les armes ».
Malheureusement, c’est toujours plus compliqué qu’il n’y paraît. Et à mesure que le temps passait, je me surprenais à désirer l’éphémère, le superficiel, l’infiniment estimable.
Ce que je voulais ? Me perdre dans les contre-allées, rejoindre des amis ivres morts, pourchasser l’abîme des bienheureux, jouer des menuets nocturnes interminables dans la beauté de l’instant, jusqu’à gravir le col de la jouissance puis du plaisir éternel et incommensurable.
N’était-ce pas un vœu pieux ? Y avait-il une once d’espoir pour qu’un esprit étriqué comme le mien soit compatible avec les errances makupisées des divas inaccessibles ? Vraisemblablement non, mais cela ne m’empêcherait jamais de songer jusqu’aux derniers trépas de la nuit à l’éventualité inatteignable de nos deux corps ombragés par la lumière des réverbères, nos regards mordillés de désir, et nos escapades originelles distillées jusqu’à l’aube.
Et lorsque le premier rayon de soleil me réveillera, je pourrai admirer humblement la peau brûlante de cette femme aux yeux de poivre qui, contre toute attente, avait enfoncé ses griffes de métal dans ma chair encore inhabitée. Elle finirait par se retourner dans le lit, et j’allais entrevoir son nez droit, ses sourcils pareils à ceux des princesses carthaginoises, sa bouche d’Orient et son mascara sucré par les impudeurs transfigurantes de nos ébats de velours.
Elle allait se lever, et se diriger lascivement vers la salle de bain. Pinceau, blaireau, crayon et personnalité vernie, elle se retournerait pour me regarder et rire aux éclats. Je me souviendrai alors toute ma vie de ce moment, auquel j’aurais aimé qu’on y joua « tous les matins du monde ».
Elle finirait par me caresser le front, pour que je profite de sa silhouette harmonieuse. Elle se sentirait tellement femme, et elle ferait en sorte que je me sente tellement homme, que je n’aurais plus jamais besoin d’exprimer une virilité maladroite et immature.
J’aime l’intelligence qui se dégage de la coquetterie. Je suis sensible aux apparats de malice et au culte de la personnalité féminine. C’est une performance à laquelle j’aimerais un jour qu’on rende hommage, et pour laquelle j’ai le plus grand respect. Plus que les visages livides et inexpressifs affublés de longs manteaux noirs surplombant des baskets blanches et sans originalité dont raffolaient à peu près toutes les parisiennes de cette mauvaise époque.
Peut-être était-ce une forme de machisme de ma part. Une façon de revenir au temps d’avant. C’est surement ce que mes détracteurs auraient dit à mon endroit. Je songeais à tout cela avant de rentrer seul, l’âme en peine, comme à l’accoutumée. Ici bas, personne n’aimait les nostalgiques. Et encore moins les pseudo-conservateurs !