C’eût été bête de faire gonfler les statistiques des accidents de la route dus à l’alcool. J’aurais pu éviter cela en faisant une belle rencontre, qui m’aurait emmené dans un recoin du club, ou un petit studio parisien girly, mais je choisissais finalement l’option – la seule que j’avais – de dormir une petite heure dans ma voiture avant de rentrer chez moi, dans une bâtisse pas du tout girly.
Par 5 degrés, c’était une double-gifle pour quelqu’un qui espérait enfin approcher la petite fille oubliée, la jupe plissée queue de cheval, à la sortie de l’Université. Cultivant sa rareté, elle n’était évidemment pas venue à la fête qui suivait le cocktail, et je m’en étais remis aux consommations gratuites d’alcool que mon ami organisateur m’avait donné en douce.
Plus la soirée avançait, plus la salle se vidait, et plus des couples se formaient. C’était presque biologique. Mes yeux fatigués discernaient des masses protéiformes et discontinues qui se touchaient, se différenciaient, s’agglutinaient, disparaissaient, jusqu’à ne former plus qu’un. J’avais l’alcool joyeux, mais un ou deux non-lieux m’avaient vite découragé, ce qui m’avait transformé en amorphe spectateur, assis sur le banc de touche.
Ich bin Solo, Ich bin Solo,
Ich bin Solo,
Scheißegal!
Ich bin Solo, Ich bin Solo,
Ich bin Solo,
Scheißegal!
J’aimais bien le banc de touche. C’est un endroit rassurant, duquel on peut juger, décortiquer, analyser, baver. Et duquel il ne vous arrivera jamais rien de transcendant. Les risquophobes de mon espèce aimaient s’y retrouver pour jouer aux échecs, loin des heureux imprévus. Jusqu’à ce qu’une brunette au regard blasé décide de s’asseoir à côté de moi, un verre à la main. A peine une phrase échangée, et je vis son groupe d’amies arriver à sa rescousse, la prenant par le bras pour l’emmener sur la piste.
« Si je t’avais croisé en soirée, tu m’aurais plu, et je te l’aurais montré ! ». Cette phrase que j’avais entendue plusieurs fois par le passé résonnait dans mon cortex déjà amoché par l’épreuve du temps, et la peur de l’échec. Celle qui vous rend fébrile, et vous pousse à récolter toute validation sociale jusqu’à vous amener là où vous ne vouliez pas aller. Vers l’évidence.