LA MARÉE ÉTAIT EN NOIR
DEMAIN, EN MER DE TRANQUILLITE.
J’entends le bruit du ressac
Comme une rumeur d’attaque
Et en cette fin d’hiver
Le crépuscule sur la mer
Apporte une silhouette
Qui aure les mouettes
Aux senteurs de la marée
Se mêle une odeur soufrée
Le vent rugit sans répit
Sur le port bien assoupi
Les hommes dorment car ils sont bien las
Et un monstre plein d’épouvante est là
D’un crêpe noir il barre l’Occident
Lui qui s’en revient du lointain Orient
Au coeur d’une nuit apocalyptique
Survient un gémissement métallique
L ‘aube timide enfin est apparu
Remplie d’angoisse et d’espoirs mêlés
Les terreurs nocturnes sont revenus
Car la mer gisait là assassinée
Fiché en son sein comme un poignard
Le pétrolier sur les rochers sécrète
Visqueux et nauséabond son sang noir
Qui s’écoule à flots et que rien n’arrête
Cloaque fangeux et vieille charogne
Où s’engluent tous nos beaux oiseaux marins
Trahis par le mazout en ce matin
Tandis que l’épave aux rochers se cogne
Un remorqueur arrivé là s’agite
Moustique vain luttant contre la gîte
Il faudra éponger pour oublier
A pleines poubelles il faut engranger
Le venin jusqu’à la dernière goutte
A pollué la sève de notre vie
La beauté de la côte il a ravie
La pollution arrive par les routes
La mer meurt de ce poison répandu
Et le rivage sous les détritus
Jusqu’à la lie du sang noir, il faut boire
Mais déjà revient le soir désespoir
Il n’y a plus de marée et plus de ressac
La mer s’est soumise comme un immense lac
Ne finira-t-elle jamais cette saison d’hiver
Où quelques projecteurs scrutent la nuit des mers
On devinerait un cortège de silhouettes
Se vautrant sur la mer où jouaient les mouettes
En exhalant leurs senteurs hydrocarburées
Familières comme une puanteur soufrée
Souvenir qui assaille sans répit
Sur ce rail sans fin le vent c’est tu de dépit
1974
© 2004 NULLART vs. Kinka – ” 1968, une révolution poétique “
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