Double standard

Double standard 

Chacun voudrait avoir la réputation d’un être impartial. Au moins les gens « bien ». Effectivement dans la mesure du possible on essaie de garder l’équilibre et de ne pas tomber dans l’injustice. Ce n’est pas facile. Quelques fois c’est carrément impossible. Imaginez que votre fils, garçon de 7 ans, beau, intelligent, raisonnable, charmant avait frappé son ami scolaire sans une raison apparente. Il va de soi, que d’abord vous allez interroger votre fils, qui va vous exposer sa version du fait. Cette version, il se peut soit enjolivée peu ou beaucoup , sans importance, mais d’après cette version votre fils n’est pas coupable, c’est l’autre, qui l’avait provoqué. Vous avez des doutes, vous voulez écouter la partie adverse. Alors vous découvrez que votre fils n’est pas un ange. Et pourtant….

Ici réside la nature de double standard. Vous voyez, vous comprenez, vous savez même, mais vous faites tout votre possible pour délivrer votre fils du châtiment mérité. C’est tellement humain. Et maintenant regardez si la conduite de certains Etats est différente sur l’échelle internationale. Le cas qui nous inquiète et qui dure, dure, dure depuis des années.

L’ArmĂ©nie avait occupĂ© le territoire azĂ©ri pendant presque 30 ans. Finalement l’ArmĂ©nie fut battue sur le champ de bataille par les AzĂ©ris, qui avaient libĂ©rĂ© leurs terres. Pourquoi il fallait verser le sang, combattre si on pouvait recourir aux institutions internationales susceptibles de rĂ©soudre le conflit par la voie pacifique ? Une bonne question ! Parce que les mĂ©diateurs occidentaux, n’avaient pas pu (ou ont pas voulu) convaincre l’ArmĂ©nie de libĂ©rer les terres azĂ©ries et de partir pacifiquement . 30 ans de palabres, pardon, de nĂ©gociations dans le cadre de l’OSCE. La France, les Etats-Unis et la Russie qui ont des intĂ©rĂŞts non seulement diffĂ©rents mais quelques fois ouvertement contradictoires, Ă©taient unanimes sur le conflit entre l’ArmĂ©nie et l’AzerbaĂŻdjan.  Â« Oui, on est d’accord, les terres azĂ©ries sont occupĂ©es par l’ArmĂ©nie. Les ArmĂ©niens doivent libĂ©rer les terres azĂ©ries. Mais pour le moment le statut quo est comme il est. De jure ce sont les terres azĂ©ries, de facto  vous voyez que les ArmĂ©niens vivent sur ces terres, mĂŞme plus, ils ont invitĂ© sur ces terres les ArmĂ©niens de Syrie, de Liban…ils ont expulsĂ© tous les AzĂ©ris, tant pis. Attendons un peu, peut-ĂŞtre la situation change ».

Evidemment que les appels des institutions internationales conformĂ©ment au droit international sont restĂ©s lettre morte. Franchement, les AzĂ©ris Ă©taient conscients que rien ne changera. Pourquoi ? Mais parce que nous ne sommes pas la partie intĂ©grante de la civilisation occidentale. La civilisation orientale Ă  laquelle appartient l’AzerbaĂŻdjan est tellement diffĂ©rente. MĂŞme si on est membre de plusieurs organismes occidentaux on est diffĂ©rent. Bien, on comprend, on admet, on fait avec.  Finalement après 30 ans de veines  nĂ©gociations les AzĂ©ris ont libĂ©rĂ© leurs terres manu militari . Ceci dit l’opĂ©ration militaire  de 2020 dura 44 jours et nuits sans bombardement de villes, sans tueries de civils. Les soldats armĂ©s contre les soldats armĂ©s. Le dernier rempart de la minoritĂ© armĂ©nienne sĂ©paratiste, la ville de Khankendi (Stepanakert, le nom armĂ©nien de cette ville en l’honneur du bolchevick  armĂ©nien Stepan Chaoumyan) Ă©tait restĂ©e toujours sous l’occupation armĂ©nienne.

Les AzĂ©ris ont essayĂ© de nouveau de recourir aux institutions internationales pour convaincre les sĂ©paratistes de trouver une solution raisonnable. HĂ©las, hĂ©las.  Encore une opĂ©ration militaire effective azĂ©rie au cours de 24 heures en septembre 2023. Les ArmĂ©niens Ă©taient battus. Alors quelle solution les sĂ©paratistes armĂ©niens trouvèrent pour la minoritĂ© armĂ©nienne Ă  Karabakh ? Toute simple. Ils ordonnèrent Ă  la population armĂ©nienne de quitter les lieux, d’organiser un exode. Le but de cet exode est toujours le mĂŞme. Inverser les rĂ´les. Les AzĂ©ris barbares contre les pauvres ArmĂ©niens civilisĂ©s

L’histoire de double standard n’est pas une histoire nouvelle ou extraordinaire, ce narratif existe depuis le dĂ©but du monde. Parce que il y a toujours les siens et les autres, il y a toujours des « civilisĂ©s » , et des « barbares ». Mais si on s’accorde sur le fait que la civilisation humaine va de l’avant et qu’il existe certaines règles internationales qui rĂ©gissent l’existence, l’activitĂ© et le dĂ©veloppement des Etats  modernes alors, dans ce cas-lĂ  il faut admettre que les Ă©vènements qui eurent lieu avant les temps modernes ne sont pas et ne pourraient ĂŞtre l’exemple pour l’agissement des Etats modernes. Il est dĂ©solant que les pays qui se considèrent comme les plus « civilisĂ©s », les plus « dĂ©mocratiques », les « meilleurs » parmi tous les Etats du monde, se sont accaparĂ©s les pouvoirs et agissent comme s’il n’existait pas  de long cheminement de la civilisation humaine vers le droit, vers la paix, vers l’égalitĂ©. Ils se conduisent comme aux siècles passĂ©s, c’est le droit du fort qui prĂ©vaut. Dans ces circonstances il est très difficile de faire appel Ă  la voix raisonnable de la communautĂ© mondiale, parce qu’on se rend compte que certaines voix sont entendues, les autres voix sont inaudibles. Je voudrais Ă©voquer les Ă©vènements qui eurent lieu le 26 fĂ©vrier 1992. C’est le massacre Ă  Khodjaly. Nos autoritĂ©s et nos gens appellent ce massacre le gĂ©nocide. Ils ont peut-ĂŞtre raison parce que les ArmĂ©niens qui ont occupĂ© cette ville azĂ©rie, y avaient tuĂ© 613 civils, parmi eux les femmes, les vieillards, les handicapĂ©s, les enfants. Ce massacre est passĂ© sous silence. MĂŞme plus, on accusa les AzĂ©ris, d’avoir commis des crimes contre les ArmĂ©niens. C’est un exemple Ă©clatant de double standard. La communautĂ© mondiale n’a pas rĂ©agi. Les rĂ©seaux sociaux n’avaient pas encore leur impact qu’ils ont aujourd’hui. Un hĂ©ros azĂ©ri, journaliste Cingiz Moustafayev  s’est rendu sur les lieux après ce carnage et a photographiĂ© les corps mutilĂ©s jetĂ©s par terre. Et ces photos sont les preuves presque uniques des actes de tuerie perpĂ©trĂ©s par des ArmĂ©niens. Il est frappant que le monde occidental continue d’affirmer que ce sont les AzĂ©ris « barbares » qui continuent Ă  exterminer les ArmĂ©niens « civilisĂ©s ». Ce paradigme n’a pas changĂ©, cela continue toujours.

Un des bourreaux de la population civile azĂ©rie MontĂ© Melkonian avait laissĂ© les tĂ©moignages. C’est son frère Markar Melkonian qui pour honorer les actes de bravoure de MontĂ© Melkonian avait Ă©crit un livre Ă©ditĂ© aux Etats-Unis en anglais en 2008. “My Brother’s Road: An American’s Fateful Journey to Armenia”

Markar Melkonian relate les atrocités commises par les commandos arméniens y compris dans la ville de Khodjaly. On peut lire ce texte avec la description détaillée de massacres des civils azéris. Ce livre fut traduit depuis en plusieurs langues, en français également. Mais encore ce livre fut traduit en arménien et édité à Erevan. Le texte de la version arménienne de ce livre fut corrigé. Les actes les plus violents tels que l’immolation des gens : hommes, femmes, enfants, par exemple, sont exclus de la version arménienne de ce livre. On pourrait s’attendre à ce procédé parce que ce qui est relaté dans l’original anglais est tellement effroyable que la question de la nation « civilisée » arménienne et de la nation « barbare » azérie commence à se poser et se voir sous un autre angle. Les rédacteurs arméniens ont omis les paragraphes les plus atroces pour mettre en relief pour les lecteurs arméniens l’image du héros national qui lutte pour la cause du peuple arménien. Albert Isakov attira l’attention des lecteurs sur cette traduction arménienne qui avait faussé l’original anglais.

Après la victoire des AzĂ©ris sur le champ de bataille sur les ArmĂ©niens, les autoritĂ©s azerbaĂŻdjanaises  ont proposĂ© Ă  la population de la minoritĂ© armĂ©nienne qui vivait sur les terres de Karabakh depuis des gĂ©nĂ©rations d’adopter la citoyennetĂ© azĂ©rie, de se soumettre Ă  la lĂ©gislation nationale azĂ©rie comme tous les autres citoyens d’AzerbaĂŻdjan et de rester sur ces terres. Le pays azĂ©ri est pluriethnique contrairement Ă  l’ArmĂ©nie. La proposition des autoritĂ©s azerbaĂŻdjanaises fut rejetĂ©e par les ArmĂ©niens. Ils ont prĂ©fĂ©rĂ© de partir. Ce dĂ©part ressemblait beaucoup Ă  l’exode. Les images des gens qui quittent leurs maisons en hâte circulèrent longtemps sur les rĂ©seaux sociaux suscitant l’indignation des europĂ©ens et de tous les gens bien et les appels Ă  punir les AzĂ©ris barbares. Encore une fois les propositions de la partie azĂ©rie aux ArmĂ©niens d’adopter la citoyennetĂ© azĂ©rie et de rester, n’ont pas Ă©tĂ© entendues par la communautĂ© occidentale. L’activitĂ© des ArmĂ©niens poursuit, ils demandent la restauration de ce quasi-Ă©tat armĂ©nien sur les terres azĂ©ries. On voit bien que les institutions internationales se prĂ©occupent toujours de la question armĂ©nienne, bien que dans le cadre du droit international les ArmĂ©niens aient tort, pour la raison de l’occupation du territoire souverain azerbaĂŻdjanais.

Ce double standard n’est pas appliqué exclusivement aux Azerbaïdjanais. Loin de là. Le droit du fort continue à faire loi. Ce qui se passe aujourd’hui devant les yeux du monde entier au Proche-Orient, le carnage des Palestiniens par des Israéliens, on peut dire est diffusé en direct, les gens se révoltent mais… Il y a toujours un mais qui fait taire les voix des Etats qui ne sont pas forts et riches. La conclusion : le droit, y compris le droit international n’est valable que pour les forts, les riches et les « siens ». Sans importance que cela soit un homme, un Etat, une communauté internationale. J’appelle ce phénomène – double standard.

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Written by Gulush Aga

Gulush Aghamammadova est née à Bakou. Elle écrit la prose dès 2000 en russe et en français. En 2010 Edilivre à Paris publia son livre « Epistoles » et en 2014 « Lisa Ghérardini » en français sous son nom d’auteur Gulush Aga. En 2016 Amazon Cratespace publie son livre « Mannequin», en 2017 le livre « Oriental woman». Les couvertures de deux livres sont en anglais, mais le contenu est en russe.
En 2019 à Litres voit le jour son livre « Nouvelles de Bakou» en russe. En 2019 Amazon Kindle publie son livre «Nouvelles hétéroclites» en français. En 2020 à Litres sort son livre «Ville fântome». En 2023 elle publie son livre "Nouvelles de Bakou" sur Amazon, en 2024 la deuxième édition livre "Lisa Ghérardini" toujours sur Amazon

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