Paris l’immortelle. Paris l’indicible. Paris la belle. Mais Paris la croqueuse d’hommes. Paris l’insatiable. Paris l’infatigable. Paris la mortelle.
Le café de Flore avait laissé place à des ruelles puantes et imbibées d’alcool et de vomis. Les effluves allaient et venaient au gré des titubances adulescentes, et ces errances alcoolisées capturaient ce qui restait de la nuit goudronnée.
Au coin des boulevards, les SLK d’antan avaient laissé place à des vespas électriques recouverts d’autocollants et des trottinettes infernales, ce qui avait enlevé tout espoir aux parvenus en herbe. Il leur fallait désormais réapprendre à briller autrement que par les signes extérieurs de richesse.
Et alors que des femmes se disputaient des barbus aux pantalons affûtés, je fermais les yeux en replongeant dans le passé, cet univers que j’aimais retrouver lorsque je ne trouvais pas l’épanouissement dans le présent.
Des jeux de plateaux sur 32 bits aux amourettes estivales rêvées, j’avais matière à tenir jusqu’à mon prochain verre. Mais je fus interrompu par les gorilles de la sécurité, qui étaient obligés de mettre tout le monde à la porte sur arrêté préfectoral.
« Alors on va danser faire semblant d’ĂŞtre heureux
Pour aller gentiment se coucher mais demain rien n’ira mieux »
Paris la magique n’était à cette heure-ci plus qu’une ville fantôme, habitée par des dinosaures immortels et rabat-joie, et hantée par des rentiers internationaux qui avaient planqué leurs SUV et autres Tesla dans des parkings privés.
Les jeunes s’agglutinaient autour d’un fast-food miteux qui faisait illégalement les trois quarts de son chiffre d’affaires entre 2h et 2h30 du matin. Ici bas, les règles étaient faites pour être contournées, car elles étaient souvent inapplicables. Paris l’intransigeante se vidait peu à peu de sa boîtante jeunesse, en quête vaine de réussite et de passions.
L’estomac pansé, l’espoir annihilé, nous partions tous nous coucher, en attendant la suite.