Karnet de route #3

C’est l’histoire d’une 203

Le monde de la Kustom Kulture est vaste, et rares sont ceux ayant un pied dans tous les milieux composant cette passion, que ce soit les motos, les voitures, les vélo, ou même tout simplement les compositions artistiques, mais force est de constater qu’une fois acquis l’un des « accessoires » permettant d’entrer dans ce monde, la passion grandit et nous amène à toujours en vouloir plus… Nature humaine assoiffée de possessions en tous genres (capitalisme quand tu nous tiens) ou passion grandissante mêlée de curiosité… rien ne m’a jamais empêché de rêver pour peut être accéder un jour à l’inaccessible…

Après avoir eu ma première harley, j’ai acquis une Cox de 76, soit disant intégralement refaite ( pigeon que je suis ) que je garderai 3 ans et que je retaperai en grande partie suite à bon nombre de péripéties qui auraient pu me dégouter de la bagnole ancienne. Mon entourage en est témoin, entre le moteur (soit disant refait lui aussi) qui me lâchera au bout de 1000 bornes et les châssis et planchers intégralement mastiqué grossièrement et cachés au blaxton (aujourd’hui ce terme me fille des frissons tellement il est associé au maquillage des réfections faites par des incompétents) que nous prendrons le temps de refaire après avoir dé-coqué la bête. Je revendrai cette désormais magnifique bug, parce que je ne pouvais plus la rouler sans serrer les fesses… Syndrome post traumatique issu d’une accumulation sans nombre de pannes dues à un entretien et un bricolage du dimanche du précédent propriétaire…Force est de constater que j’ai du bien faire, puisque l’actuel propriétaire de cette cox n’a plus jamais eu le moindre problème… Un peu comme avec mes ex… Le monde des anciennes est parsemé d’embuches, et rien ne vous permettra jamais d’acquérir l’une d’entre elles avec l’assurance de repartir en toute confiance…A moins d’avoir un budget illimité… A vous de vous faire votre propre idée, mais pour moi tout s’est passé un matin de septembre 2020, au hasard d’une recherche sur le bon coin sans réel but, je tombai sur une annonce qui retiendra toute mon attention. Ça n’était pas le véhicule de mes rêves, parce que j’ai toujours fantasmé de me mettre au volant d’une Ford mercury eight coupé de 1951, d’un pick up Ford F100 datant de la même époque, voir d’un Chevrolet C10… Mais l’argent ne poussant pas sur les arbres, n’ayant pas d’actions chez total, et surtout ne souhaitant pas une caisse à rouler juste le dimanche pour éviter de péter le Plan Epargne Logement, j’étais bien obligé de me résoudre à quelque chose de plus sobre et moins gourmand mais tout aussi sexy. Il me fallait une ligne basse, un look bien old school mais surtout et prioritairement avec des formes, parce qu’après tout, je suis un mec, et comme bon nombre d’entre nous, les formes nous filant la trique au vu des femmes à la courbure aguichante, elles ont le même effet sur moi pour les caisses d’époque… (j’en parlerai à mon psy pour savoir si je vais bien tout en sachant d’avance que je ne suis pas le seul) Bref, je tombe donc sur cette caisse, n’ayant jamais attiré mon attention par le passé, une Peugeot 203 de 56, noire, rabaissée, avec des flancs blancs et des jantes bordeaux, rappelant le cuire des assises, du chromes et des roberies… Bref je craque et je contacte le proprio… En une semaine, le financement était trouvé, parce que photos à l’appui, le châssis a été entièrement restauré, ainsi que le moteur, pour le reste il manque quelques détails mais l’essentiel est là et je sais qu’il est de pus en plus compliqué de trouver toutes les pièces pour un model de cette époque… Développée en secret par Peugeot à la fin de la seconde guerre mondiale, elle sera présentée en 1947 pour un début des ventes en 1948, déclinée en berline, découvrable (cote à 40 000€) et coupé cabriolet (une gueule exceptionnelle mais cote dépassant les 80 000€) un model pick-up (rarement en bon état) ainsi qu’une version familiale à 7 places (bien trop lourde pour le moteur de l’époque). Je pars donc sur ce model berline dont les modifications sont plus qu’aguichantes.

C’est donc après avoir versé une avance sur le paiement que je prendrais le train pour Paris, un samedi après midi, la belle m’attendant au sud de la capitale. Une nuit chez un pote de promo de l’armée, (parce qu’après 20 ans dans les forces, on a l’avantage d’avoir des frères d’arme éparpillés un peu partout sur le pays prêts à nous héberger, non sans passer une soirée à se refaire nos guerre comme des vieux roublards, le tout agrémenté de boisons en tout genre)

Au petit matin, après un trajet trop long en RER, accompagné des habituels «wesh wesh» en tous genre, j’arrive enfin à la gare (en évitant de distribuer une salade de phalange à un jeune au comportement plus qu’irritant) ou le propriétaire a eut la gentillesse de venir me chercher, avec ma future voiture, pour rentrer dans le vif du sujet dès les premiers instants.

Je suis en extase, et contrairement aux femmes sur les applis de rencontre, une bagnole, c’est toujours mieux en vrai qu’en photo… On fait le tour de la caisse, on grimpe, et après les premiers tours de roue en tant que passager pour apprendre les rudiments de la conduite d’une bagnole ayant plus d’un demis siècle de vie, je prend le volant pour nous rendre chez le proprio pour la partie administrative. Quelle expérience, c’est énorme à conduire et tellement déstabilisant… Le capot massif avec son lion en figure de proue (interdit à une époque parce que tuant sur le coup les piétons négligeant) nous force à rapidement changer de mode de conduite par rapport à une voiture moderne, le volant est lourd, l’absence de rétroviseur, non obligatoire à l’époque, nous demande de nous contorsionner toutes les 30 secondes pour nous insérer dans la circulation, les ailes proéminentes nous rappellent que le gabarit demande une attention de tous les instants, les vitesses au volant, capricieuses à souhait (et qui demanderont une longue pratique pour les passer aisément, défaut irrésolu pour ce véhicule à l’époque) et le moteur est poussif… Mais c’est tellement le pied… un kiff d’anthologie… Petit à petit, le stress s’estompant, et la confiance s’installant, un sourire de gamin un matin de noël se dessinera sur mon visage et ne me lâchera pas de la journée… Banquette à l’avant, pas de ceinture (eh oui, encore aujourd’hui, et c’est légal, n’en déplaise à certains détracteurs), le regard de tous les passants en extase, une position de conduite on ne peut plus agréable pour un cruising plaisant à souhait, et un bruit de moteur d’époque, du à une ligne inox et à une absence de norme… après trois cafés et quelques clopes à échanger avec le proprio tout en remplissant les formalités d’usage, je le remercie et non sans stress, je grimpe seul au volant de ma nouvelle acquisition… j’ai 700 bornes à faire pour rentrer, et je n’ai aucune envie de rouler de nuit…

Une seule clef pour ma belle, celle de la porte conducteur, aussi grande qu’une clef de boite aux lettres… Pas de neiman, à l’époque on respectait les bagnoles, et le vol ne faisait pas encore partie des meurs. Aujourd’hui, il y a plus de vols, mais je met au défis quiconque d’essayer de la démarrer… contact, starter, tirette de démarrage et le moteur se lance au quart de tour… Les premiers kilomètres se font en phase d’apprentissage, le temps de bien intégrer le gabarit inhabituel de la voiture… La circulation en région parisienne étant ce qu’elle est, je passe une bonne heure à rouler au milieux de conducteurs agressifs, impatient, échangeant au grès de la route des main au majeur tendu, du fait de ma vitesse lente… Qu’a cela ne tienne, je mettrai ça sur le compte d’une certaine jalousie de la part de cette population acerbe dont la réputation n’est plus à faire… Une fois la centaine de premiers kilomètres parcourus, j’accède enfin aux nationales, limités entre 80 et 90 (merci à nos chers politiques pour ces changements d’allure incessant et surtout plus qu’inutiles), ma belle se lance aisément… Il faut dire que je ne roule pas avec le moteur d’origine, car en lieu et place du moteur 203 de 54 chevaux, l’ancien propriétaire a eut la bonne idée de placer un moteur de 403, plus moderne, avec un peu plus de chevaux, la configuration et les pièces étants similaires, l’agrément de conduite s’en ressent, avec des pointes pouvant aller jusque 130km/h, mais ça n’est pas non plus un bolide, il était donc préférable de rentrer par les petites routes.

Avec un arrêt toutes les 2h, le temps de me dégourdir les pâtes, de prendre un café, et de discuter systématiquement avec un passant, soit du plus jeune age, émerveillé par l’architecture d’une ancienne, ou avec une personne âgée, racontant l’oeil humide ses plus belles anecdotes au volant d’une 203…

Parce qu’avec près de 700 000 exemplaires vendu sur l hexagone, il y a fort à parier que, tout comme notre bonne vielle deudeuche, nos ancien en aient tous eu une en main à une période de leur vie… C’est donc avec plaisir que je me délecte, encore aujourd’hui, des histoires racontées par des passants, clients, tournant autour lors des ouvertures de kustom workshop, ou sur un parking lorsque je pars faire une course… Sans compter les longues discussions lors des Retrorencards sur strasbourg, ou bourses aux pièces et événements rassemblant nos si chères anciennes.

En bref, je met environs 9h pour parcourir les km me séparant du shop… Avec un plaisir sans commune mesure… Le bras à la fenêtre, le toit ouvrant grand ouvert, je profite des paysages en cruisant avec une banane digne des plus grands trips sous exta, sans ressentir une once de fatigue… La musique dans les oreilles le son à fond, le soleil tout au long de la route ne font qu’aider. En fait, c’est simple, vous ne pouvez faire 700 bornes en ancienne sans vous arrêter, sous risque d’une panne ou d’une casse. Le moteur Peugeot ayant sa réputation d’increvable, j’ai tout de même l’oeil régulièrement sur le manomètre de température d’eau, pour éviter une explosion du joint de culasse, même si j’adore le sketch du Garage Gaudin de Daniel Prevost, je préfère le revoir en me marrant que le vivre en chialant.

Je terminerai par arriver en fin d’après midi chez moi, heureux de cette nouvelle acquisition, heureux de pouvoir garder à mon niveau une pièce infime du patrimoine historique français, relooké un temps soit peu à la mode kustom. Evidement, comme sur toutes ancienne retapée, on découvre toujours au fur et à mesure des défauts qu’on aurait pas vu au premier coup d’oeil. Une peinture avec des defauts, un faisceau électrique défaillant qui aura raison du système de flèches, ces clignotant d’époque qui sortaient de la carrosserie pour prévenir d’un changement de direction (auquel d’ailleurs bon nombre d’automobilistes ne prêtent aucune attention du fait de leurs positions hautes) un éclairage d’époque bien insuffisant question sécurité au vu ce qu’il faut pour rouler aujourd’hui de nuit et qui sera très probablement échangé par un éclairage led prochainement, certains accessoires d’habitacle absents, car soit introuvables, soit bien trop cher du fait de leur rareté…

En bref, rouler en ancienne, c’est un art de vivre, vous pouvez tomber en panne n’importe quand, pour n’importe quelle raison, et même si vous pouvez sans doute réparer sur place, parce que c’est rarement grave, autant vous dire que si vous n’êtes pas un minimum débrouillard, ça va vous couter des ronds, du temps, et des prises de tête pour trouver certaines pièces… Sur la Revue Technique Automobile de l’époque, il est même conseillé de se construire ses propres outils pour effectuer certains entretiens… En témoigne les longues recherche pour trouver une clef hexagonale en 35mm, que je terminerai par faire fabriquer par un pote, en soudant deux boulons entre eux, et ce uniquement juste pour faire la vidange du pont arrière… Pont arrière qui d’ailleurs se remplis à l’huile de ricin… oui oui, à l’époque, certains engrenages étant en bronze (et non reproduits aujourd’hui) l’utilisation d’huiles bien spécifiques est primordiale pour garder votre ancienne le plus longtemps possible… Pour le reste, c’est du basique, les normes étant à l’américaine, mais avec un moteur bien français, on a une place incroyable dans le compartiment moteur, avec un entretien des plus simples. Vidange, graissage, nettoyage du carbu et réglage à chaud, la RTA de l’époque est suffisamment détaillée et simple pour que tout le monde puisse s’en occuper, et cela vaut sans doute pour bon nombre de véhicules de cette époque. A titre personnel, à part avoir refait le carbu, après un passage aux ultrasons, je ne m’occupe que des vidanges et des graissages à intervalles réguliers, (environs tous les 4000km). J’ai bien du refaire le démarreur, m’ayant lâchement abandonné à 500m de chez moi, la faute à des charbons plus qu’usés, mais encore une fois, rien de bien compliqué. Les consommations ne sont pas aberrantes, contrairement à une américaine. On est à 7-8 litres en 98 en période normale, et aux alentours des 10 litres en période hivernale, la faute à un starter gourmand mais bien necessaire. On est loin des consommations des bagnoles outre atlantiques, qui consomment près du double, voir du triple pour les plus burnées.

Voilà les amis, j’espère que vous avez pris autant de plaisir à lire ces lignes que j’en ai eu à les écrire, le but étant ici de partager ma petite expérience de voitures ancienne, et de vous faire comprendre que si vous avez un rêve, battez vous pour l’atteindre, rien ni personne de devrait pouvoir vous en empêcher. Au fil du temps j’apprends, et je prends toujours autant de plaisir à me mettre à son volant, et à partager sur cette expérience unique que nos élus veulent nous reprendre à l’aide de vignette critère et Zones à Faible Emission… Sachez une chose, rouler en ancienne, çà fume, ça fuie, et ça sent bon l’essence, mais ce sera toujours plus écologique dans le temps que craquer pour une moderne de chez Tesla ou autre dont l’avenir est plus qu’incertain au vu des prix toujours en hausse de l’électricité… Enfin au pire, achetez vous une électrique, parce que perso j’ai et j’aurai encore longtemps besoin de votre essence…

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Written by kustomWorkshop

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