Les carillons n’ont rien pu faire. Ni l’âpreté de mes reproches. Pas même tes yeux de chandelier, ou bien tes airs de militante. Je voulais t’emmener loin des scanners pressurisés, des diodes sempiternelles. Que tu me montres l’odeur des prés après la guerre, que je me plaigne de tes fous rires.
J’aimerais à nouveau croiser la lune, plisser les yeux, passer des heures sur le balcon, et boire du thé jusqu’à la lie. Avec la ville en contrebas, j’entends encore les pneus crisser leur peine, les marteaux-piqueurs bourdonner, et puis les drogues pour te guérir.
J’aimerais vider ton sac de nœuds, semer du sel sur tes lauriers, combattre les armées norvégiennes. Sentir ton torse de pharaonne tordre le cou aux saltimbanques, déjouer les pronostics, puis embrasser le sud antique.
Rebelle des plaines aux mains d’argile, comment n’as-tu jamais courbé l’échine ? Comment n’as-tu pas perdu pied sous le poids des cantiques abrutissants ?
Je me souviens des embardées, des voitures américaines, de ta peau brune au teint hâlé, et des grillons annonciateurs. Avec tes poches très protégées, et tes bracelets plein d’enthousiasme, ta tendresse de combattante, et mon absence abominable.
Avec tes joues de véranda, ton charisme d’étoile perse, je voudrais à nouveau sentir l’odeur velours, ton souffle de mère idéale.
Avec ton regard de bienveillance et ta cerise en bandoulière, j’aimerais caresser les embruns d’orfèvre et faire mentir la presse à scandale. J’aimerais enfin rouvrir les bols d’olives pour les tremper dans l’origan, avec en bruit de fond le ballet des klaxons implorants.
Pitié, maman chérie
Survis encore un peu
Ne t’en va pas pour peu
Que nous vienne l’envie
D’une vie heureuse
Sans toi c’est un vœu pieu
Un arôme de pluie
Et un regret à vie.
La plage est maintenant déserte. Même la diseuse de bonne aventure a mis les voiles. Il reste un bateau sur le rivage, et on va en prendre soin.