Shania Ange de Justice – Chap 3 – L’Enfant de l’Horreur

Tout en étreignant la jeune fille, il replongeait, involontairement dans cette vision d’horreur. Il avait déjà vu des batailles, des massacres, des cadavres d’hommes morts au combat, mais rien de comparable à ce carnage. Sa mémoire se rechignait à se rappeler les corps violés et atrocement mutilés des femmes, certaines éventrées, répandant leurs entrailles et leur sang sur la terre assoiffée, jamais repue. Parfois même un embryon avait été sorti du ventre de sa mère. Adjib fronçait les sourcils et grimaçait. Il serrait d’avantage le corps svelte de Shania. Il ne savait plus, soudain, lequel des deux avait, en cette minute, le plus besoin de réconfort. Les visions l’assaillaient, immondes, récurrentes. Un cauchemar d’images, un torrent de sang coulant dans sa mémoire. Un village entièrement détruit par les flammes aux corps calcinés, démembrés, décapités, aux habitations brûlées, à la végétation recouverte de cadavres humains et animaux. Il crispait les mâchoires et pinçait les narines car il lui semblait encore respirer les odeurs nauséabondes de viscères et du sang chauds. Les sabres avaient aveuglément tranché les têtes. Elles jalonnaient le chemin, toutes fumantes et répugnantes, avec leur rictus de mort ; des têtes parfois sans yeux, aux traits écorchés, à présent inhumains, aux expressions d’épouvante figées dans le trépas.

Il sentit frémir Shania. Il était alors persuadé que leurs pensées se rejoignaient, que leurs mémoires fusionnaient, les bombardant sans trêve de ces maudits souvenirs ensanglantés.

Si dur à l’extérieur, si fermé, emmuré ses sentiments que personne ne pouvait déceler la moindre émotion. C’est ainsi que Shania ne put connaître le remord qui le rongeait depuis ces vingt dernières années écoulées ; celui de n’avoir pu sauver non seulement les parents de la jeune femme mais le village et ses habitants. Il s’en voulait et ne pouvait se le pardonner. Alors il enseigna à Shania son savoir et fit d’elle la plus vaillante des guerrières. Il la protégea, veilla sur elle et l’éleva. Il honora sa promesse faite vingt-cinq ans auparavant au père de la jeune femme et ami.

Guérisseur reconnu par tous les villages alentours, ce soir-là, un jeune couple lui avait amené leur bébé malade, désespérés, ils l’avaient supplié de le guérir. Il utilisa donc sa magie afin de sauver l’enfant mais la cérémonie dura plus longtemps que prévue. La mère était en pleur, blottie contre le torse de son époux. Le guerrier essayait en usant de tous ses pouvoirs spirituels de sauver le petit mais quelque chose de plus puissant le préoccupait. Le ciel s’était assombri, l’atmosphère pesante et lourde, un orage d’une intense violence était à prévoir. Sa poitrine se serrait, compressait son cœur e tsa respiration s’accélérait mais il tentait par tous les moyens de dissimuler au jeune couple son mal être et de se concentrer sur la guérison du nourrisson. Il apposa ses mains sur le petit torse, une lueur rouge entoura le corps du bébé qui fut soudainement pris de convulsions. Adjib ferma les yeux et absorba tout le mal en lui. Les convulsions diminuaient lentement, l’intensité lumineuse s’amenuisait et se répandait sur tout le corps du guerrier. Il ouvra brutalement les yeux cristallins et se retira du petit corps comme éjecté violemment, très épuisé. L’utilisation de ses capacités psychiques le fatiguait mais l’enfant était guéri. La jeune maman prit son petit dans ses bras, tout heureuse et remercia mille fois le guerrier. Quant au jeune père, il se contenta de serrer la main d’Adjib mais son regard exprimait toute la gratitude qu’il éprouvait à cet instant envers Celui qui venait de sauver son fils unique. La jeune femme enveloppa le petit dans une couverture, le blottit contre sa poitrine et, accompagnée de son époux, quitta la demeure.

Désormais seul, Adjib se saisit de son katana qu’il déposa dans un étui et l’accrocha derrière son dos, et quatre poignards. Deux qu’il plaça dans chacune de ses bottes, les autres sous les paumes de ses mains à hauteur de ses poignets. Il enfila sa cape noire à capuche qui cachait ainsi son visage et sortit. Il était épuisé certes, mais son ami avait besoin de lui. Il récupérera ses forces en chemin.

Il était trop tard. Galimède avait été entièrement ravagée par les flammes, quelques braises subsistaient encore de-ci delà, la végétation détruite par le feu, un paysage sombre, de désolation, des cadavres par milliers, démembrés, jonchaient le sol. Chacun de ses pas croisait un corps fraîchement mutilé. L’odeur pestilentielle et les braises démontraient que le massacre venait d’avoir lieu. Une véritable boucherie. Il se recouvrit la bouche et le nez de son bandana.

« Par Kahn ! »

Il s’arrêta devant un amas decendre, l’endroit même où son ami venait d’être brûlé vifsur sa croix, à quelques mètres de là, le corps décapité d’unefemme. Face à toute cette horreur qu’il aurait pu éviter, unpincement au cœur mêlé à une immense colère s’empara de lui.Il resta un instant silencieux comme pour se recueillir, les poingsserrés pour contenir sa rage. Le remord le submergea.

Rongé par un sentiment deculpabilité, la colère de n’être arrivé à temps, la peine dela perte de son ami, tout se mélangeait en lui. Il voulait crier,extérioriser toute sa rage et en même temps, pleurer les morts maisil se laissera aller à ses émotions plus tard ; sa priorité ;retrouver l’enfant.

Il se mit donc à la chercher aumilieu des décombres et des cadavres. Il ne pouvait se résoudre àaccepter ce qu’il voyait. Que d’enfants mutilés, de femmesviolentées, d’animaux disséqués.

L’horreur, l’odeur, insoutenables,inimaginables dépassaient tout ce qu’il avait connu dans sa vie deguerrier. Démembrer des enfants, dépecer des femmes, écorcher despaysans, quelle démence était-ce-là ?

Aucune trace de la petite,l’inquiétude grandissait. Et si elle avait été enlevée par sesagresseurs ? Non, il ne pouvait en être ainsi.

Il s’agenouilla sur cette terreensanglantée, ferma les yeux et se concentra.

Le silence.

Ce silence qui succède à la mort,terrifiant, angoissant, accentué par le cri des vautours affamés,en quête de chair en décomposition, reflet d’une vie décimée.

Une légère brise se leva et mena auloin quelques braises. Un frissonnement envahit les landes, suivitd’un tremblement qui résonna jusque dans les entrailles de laterre. Et soudain, un souffle d’une puissance inouïe surgit desprofondeurs et fissura le sol. Prit dans le tourbillon de la tornadenaissante, les cendres et les braises, s’élevèrent jusqu’auxcieux, en tournant sur elles-mêmes comme absorbées par une spiraleinfernale de plus en plus violente. Les charognards, affolés,s’envolèrent précipitamment. Les arbres furent déracinés, lesdébris des habitations arrachés du sol, les champs entiers ravagés,les cadavres avalés. Tout ce qui subsistait était englouti dans lapanse géante de cet ouragan. Sa fureur dévastatrice ne laissait surson passage qu’un désert de poussière rougeoyante, une terredévastée et exsangue. Seuls régnaient le chaos et la désolation.

Immobile, à genoux, perdu au cœur dece cyclone, impassible, Adjib sentait le souffle brûlant de latempête tourner autour de lui, l’enrober, le frôler mais sans nejamais l’atteindre, l’épargnant, étrangement. Cela en étaitpresque irréel.

Il lui semblait être transporté dansun autre espace-temps et fut brutalement plongé dans le passé, dansl’horreur.

Des ombres, des sons lointains….

Les images défilaient par bribes,saccadées témoins de la peur, la souffrance, la présence du malqui se réjouissait des atrocités commises. Partout où son regardse posait, régnait le chaos et la désolation, des ruines fumantes,teintées du sang des nombreuses victimes. Ces champs de mortressemblaient à un océan trop calme, un océan où se seraientnoyées les lumières flamboyantes du jour et dont les vagues, àprésent inertes, se paraient des reflets pourpre du soleil couchant.

Des fumées grisâtres filaient envolutes droit vers le ciel, sinistre ballet éthéré. Adjib voulutvoir un instant dans ces fumées sombres et légères, l’âme desfemmes et des malheureux enfants sacrifiés sur l’autel de lacruauté, regagnant peut-être ainsi leur primitive apparence.

Les rares pans de mur encore deboutétaient autant de navires éventrés par la tempête.

Puis, il les vit. Il les vit subir lapire des atrocités, impuissant. La jeune femme souillée, mutilée,décapitée par cette horde de sauvages, avides de violence et sonami crucifié, les jambes brisées avant d’être brûlé vif.Devant tant de cruauté, le guerrier qui sommeillait en lui,s’éveillait en proie à une immense rage qu’il devait malgrétout contenir. Une population entière dépecée, carbonisée et aumilieu de toute cette diablerie, de ces cris de souffrance, ilentendit un rire satanique qui savourait ces ténèbres de cruauté,vit un visage hideux aux iris jaunes, l’incarnation de la mort.

Puis plus rien.

Et soudain, il l’entendit.

Des pleurs étouffés non loin.

Il la vit, si petite et si fragile,apeurée, affamée, frigorifiée, au milieu de ces immondices dechairs humaines, blottie au coin d’un mur à l’intérieur desruines d’un temple, un crâne de femme dans ses bras, serré contresa poitrine, pour ne pas le perdre, si précieux.

Puis, la vision s’estompa d’uncoup, balayée par la tornade qui se dispersa subitement.

Calmement, Adjib se leva et se dirigeavers la petite. Peiné par la vue de cette enfant, il essaya de larassurer d’une voix sereine et posée.

« N’aie pas peur mon enfant.Je vais prendre soin de toi désormais. »

Tout en lui parlant, il lui enleva lecrâne des mains et la prit dans ses bras. Il ressentait ce petitcœur battre à se rompre dans la poitrine et ce petit corps tremblerde froid et de peur. Imaginant très bien ce qu’elle avait puéprouver en cet instant d’horreur qu’elle venait de vivre. Il laserrait comme emmaillotée dans une couverture de chaleur et dedouceur. Il essayait de l’apaisait. Les tremblements s’amenuisaientainsi que les battements de son cœur voire sa respiration. Etlentement elle sombra dans le sommeil.

Il partit avec l’enfant endormiedans ses bras.

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Written by Corinne Écrivaine

L'Ă©criture vibre et fait partie de moi.

Ce fut à l'âge de 14 ans que je pris la plume pour la 1re fois en retranscrivant mes sentiments sous forme de poèmes.

Mon amour pour l'écriture m'a permis de tenir la fonction de correspondante locale pour le journal de ma région et d'obtenir une 1re publication dans le fanzine : "Le Calepin Jaune n°6 de Juin-Sept 2005" ma nouvelle intitulée : "La Rencontre".

De gagner le concours des poètes de Lyon 2014.

Mon 1er roman intitulé : "Les Limbes du Peintre" est disponible.

Pour plus d’informations sur mon activité artistique voici mon blog :

https://corinnemolina.jimdofree.com/

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