BORIS MAQUE PARISSE
DES ANGES DES CREATURES
DES ANGES I
SANS BUT APPARENT
nous venons et repartons
avec des sursauts
éclatés et bruyants
l’impossible rage à nos côtés
nous sommes perdus
sans but apparent
que toute la laideur
de l’intelligence
se lève et marche
avec désenchantement
ABANDON
un lézard sur la pierre
quelques paquets de mousse
un arbre des ronces et c’est tout
lèvres parfumées de cassis
sortie d’échelle de cuir et de mousseline
dans la baise et l’abandon
l’herbe roussie cèdera
à un désert de cendre
et nous serons tous à bout
19
comment regretter
ces temps de certitudes
sachant les mises-en-scènes
où nous allons…?
MORT EN PLEIN JUILLET
le vent cherchant la plaine
l’angélus matinal
la peur déplacée d’une île à l’autre
le vent hideux
un acteur célèbre
et ce qui n’a jamais eu lieu
un spécialiste en armes à feu
mort en plein juillet
une aurore devant mes yeux
ouvrant des continents
le poète étrangla sa muse
la voiture enjamba le parapet
l’auto-stoppeur releva le pouce
les chasseurs ressortirent des forêts
MAUVAISE ROUTE
n’avez-vous jamais pris cette route
qui enlace et prolonge la montagne?
baignée de soleil et de champs azurs
aussi dangereuse qu’une sale blessure
elle court le long de pays rares irréels
d’où aucun arbre daigne soutenir le ciel
et c’est de loin la plus belle d’entre toutes
la plus glissante des mâts de cocagne
PIC-ASSIETE
longue attente
dans une nuit surpeuplée
de rêves crispés
le pique-assiette
s’éveilla en sueur
le bec ensanglanté
NUISIBLE
je suis sorti du désert en titubant
pour arriver sur des sortes
de musiques impossibles
j’ai marché dans la noirceur des heures
aux yeux de canalisations crevées
et l’affreuse poésie des mots ridés
j’y voyais des monceaux d’ordures
des déchets de vivre
et ton visage éploré
à côté coulait la Seine puante sous juillet
ses lents oripeaux d’amour
et l’habitude nuisible
je savais ce qui restait caché ici
et là-bas dévasté
j’étais malade de ça
PERIGINATIONS
parcourue la mesure
un signal nous alourdit
si j’ai bien compris son langage
l’errance ne souffre aucun retard
quand bien même un réconfort
et de n’importe quel paysage
une halte à l’embryon du soir
ne peut dissoudre le remord
de ce que les yeux capturent
et de ce qui s’enfuit
N.20
l’auto-stoppeur releva le pouce le long de la nationale
jusque la prochaine station-service
la prochaine lumière dans l’obscurci
UN CHEVAL
depuis quelques heures déjà
je longeais une route déserte…
marchant seul sous un soleil délirant…
alentour saignés par la droite bande d’asphalte
les champs semblaient fuir dans la distance…
je marchais depuis longtemps
noyé de chaleur d’étrangeté et de vent…
quand je vis cette forme mouvante
se découper là-bas sur l’horizon…
trainant toujours mon ombre poussiéreuse
ne quittant plus ce point des yeux…
la silhouette m’apparut bientôt plus précise
dans les tremblants contours d’un animal…
jusqu’à ce que l’âpreté du monde me reprenne
comme je clignai mes paupières brulantes…
et que la vision s’effondre
tel un mirage liquéfié…
enfin arrivé à sa hauteur
je découvrais le corps d’un cheval…
mort en travers de la route
SILENCE
une maison en rase campagne
une voie des rails
parallèles
silence
nous sommes nés pour voir
et nous sommes en vie
aveugles
corps immobiles
sourires immobiles
au milieu du désert
immense…
DANS LES TOILETTES DE LA GARE D’AUSTERLITZ
une boucle de ceinture se défait au fond des latrines
es-tu un voyageur dans la lassitude des ville?
ou un autre voleur de quelques moments de quiétude…
JE N’AI PAS SOMMEIL
la police de la route m’a trouvé errant
sur l’asphalte des animaux morts
patrouille dormante
cherchait ce qui se passe après le rien
dans des ouvertures de frigos
parmi de vagues brasiers
des chaises électriques
obscurcies sous la pluie
une façon d’aller au hasard
et trébucher sur des rêves incandescents
que je me rappelle
j’étais dans une sorte d’accident
avec ces horribles personnes
me répétant sans cesse
que tout allait bien
je n’ai jamais été vraiment le même depuis
je n’ai pas sommeil
je me suis promis à la nuit
et je vous revois
encore et encore
brefs cauchemars
naviguant
sur la route
transis
23
esprits des ruelles courant vers la mer
bordels cachés en plein océan
le problème de l’écriture vu sous tous ses angles
et la séparation des voyages
CENDRILLON DU CREPUSCULE
“est-ce que je peux encaisser?”
il fait noir dehors dépassé Poitiers
sous les néons froids
de la cafétéria vide
il fait froid et noir dans
l’écrin vertigineux des odeurs
esprits esprits
esprits êtes-vous là?
“est-ce que je peux encaisser?”
la fille au décolleté vertigineux a fini son service
frissons de voitures
sur la longue autoroute de l’hiver
veux-tu devenir ma petite sœur?
ma prochaine petite sœur?
la Cendrillon du crépuscule
se rhabille lentement
dans une espèce de décor
impossible à maîtriser
Poitiers, mars1991
ECHOS DE-CI DE-LA
le froid de l’âme
le cœur en vain
scènes blafardes
au creux des reins
échos de-ci de-là
PARURE
j’ai la parure des bijoux
je serre bien la chance
je la différencie par petits gestes
THE CARS CRASH WELL (RADARS TRANQUILLES)
voies rapides
aux radars tranquilles
après-midis fines
des sortes d’affinités alentour
dépouillées pour mieux
se contempler en tableaux
bris de verre çà et là
visions superficielles
tout un monde
de beauté immobile
dans la déformation
des carrosseries
et le long décolleté
des autoroutes
les gens qui s’ennuient
meurent avec attitude par ici
the cars crash well
LES NEGRIERS MAGICIENS
négriers trafiquant la lune
sous des lampes fluides
dans des soutes à copeaux
de couchers noirs en matins bleus
la solidité du pétrole
et le rêve en goutte
remarque des superstitions
bien malin qui sait la route
pâles fantômes ou démons propices
recopiant sur des eaux irréelles
le calque des magiciens
six doigts à une main
BANC DU SOIR
assis sur le banc du soir
nous avons attendu
la calme et studieuse
étreinte de la nuit
CRETE
l’averse tombée fraîche et étale
à la frontière des sapins
le chemin de crête parcouru
ces crocs de pierre et sable statufiés
le souvenir épuisé
nous écoutons le vent souffler
dans les cimes osseuses
le souvenir épuisé
et la solitude des hommes
DES SINGES EN HIVER
nous avons perdus des singes en hiver
des souvenirs des désillusions
parce qu’il n’y avait plus rien à faire
nous croisions au firmament
chevauchant des rêves derrière la pluie
parmi des passagers jamais arrivés
nous avions ce bruit sans cesse
pour se caresser et se parler
et dissimuler notre embarras
nous avions des nunchakus
et de la soude caustique
et des veines plein les bras
nous étions les pauvres chats errants
de vos jardins publiques
que personne ne voulait rappeler
nous simulions vos mégots d’aube
les voisins d’enfance de vos vies détruites
et cette odeur de tabac froid
nous étions des sourires perdus
des crétins aux petites sœurs fragiles
détalant dans le paysage
nous pouvions achever et ressusciter
vos trousses de premier secours
par l’alcool et par le sang
nous étions en service commandé
à cavaler sur vos pelouses
car le monde nous parcourait en dur
HOTEL TARDIF
j’ai allumé le néon de la salle de bain
celui de la chambre a sauté
quelle heure est-il?
je sais seulement que je n’ai pas dormi
j’ai craché quelque chose comme
une danse enfermée
je suis un ange agaçant
à l’infini défoncé
ici les soleils plongent
ici les corps plient
tout l’hôtel repose sous la chape
de trois jours de neige et d’insomnie
dehors une voiture passe au ralenti
la cloche d’une église sonne un coup… si proche
les yeux me brûlent
je viens de prendre à revers ma dernière supercherie
PARIS-ORLEANS
le train m’a mené pendant une heure
depuis Paris
le cœur stupide
la poussière de ma cervelle
toutes les drogues
et la tristesse infinie
je suis descendu à Orléans
murmurant des paroles irréelles
A CELLE QUI FUT TRANQUILLE
voici mon ange affamée
c’est sa beauté gigantesque qui me tient ici
et je ne suis jamais sorti d’elle
figure de manèges monotones et querelles imaginaires
à celle qui fut tranquille
des pierreries au port de ses jambes
ses pieds chevaux fumants dans l’immense clarté des saisons
je voulais dormir avec finesse
hippocampe sur l’herbe de son corps
la maladie m’a enterré dans ses bras de velours
LES OMBRES DE PARIS
Arc de Triomphe
mouvante Tour Eiffel
Pont Neuf chargé d’écume
la Seine mer des poètes
et tu savais la place des rêves
et l’heure tardive
lorsque tout se confondait
avec un inconnu
farce du Sacré Cœur
Pigalle aux rimes éclatées
nous singions l’aube foudroyante
les dons éparses de l’intranquillité
Goutte d’Or et Belleville
Notre Dame dépeuplée
nous marchions au soleil rasant
nos corps vibrant de houle sexuée
Butte aux Cailles rue Saint Denis
comme il ne faut jamais laisser
des vagabonds souffler
et se lasser de l’aurore
la zone s’allège se désagrège
et nous sommes toujours debout
sous influence
parmi les mensonges de la cité
quelque chose cloche
comme nous avons perdu la boussole
au centre de brumes
flottant encore immaculées
que nos pensées s’écorchent sur le bitume
que nos rêves glissent
et puis s’écroulent
sur des notes trébuchantes
nous sommes tellement jeunes
les ombres de Paris
HIVER
l’hiver terrible
et sa peau de marbre
qui tend et tétanise les heures
cet abrutissement pénible
ou chaque jour
je traine ma langueur
l’hiver terrible
long et parsemé d’alcôves
cachant des terreurs
REFLET PENELOPE
fille naturelle élue de partout
sa bouche aux doux arômes d’indolence
ses paroles en bouquets de Vergissmeinnicht
image puissante prête et cajolée
attend pour se rouvrir jamais encore enfin
et dans le miroir son reflet Pénélope
7 PASSAGE DU GENIE
blanche
l’écriture blanche
rapide et sans accroc
ombre massive
alchimie
elle m’appelle…
et s’élève
au 7 passage du Génie
elle n’est jamais en retard
This post was created with our nice and easy submission form. Create your post!