RELATION D’UN PÉRIPLE FANTASTIQUE
aux frontières d’une nuit d’épouvante.
Aimable papillon qui sut
par un battement de ses ailes chatoyantes
ranimer les pétales de ma rose solitaire
un jour où elle était bien fanée…
La vie ne tire rien, ce n’est pas dur, c’est bref.
Un choc, une chute et la vie devient mort.
Je ne dormais pas et pourtant je m’éveille…
Mais suis-je vraiment éveillé ?
On peut rêver qu’on s’éveille.
Il faut se pincer pour savoir
Mais on peut rêver qu’on se pince.
J’essaye quand même.
C’est fait mal.
Je ne rêve pas, non.
Et toi ?
On n’a pas mal dans un cauchemar,
On s’éveille juste en sursaut.
Mais là, que c’est pénible !
Je vois, je vis, je suis là.
Et toi ?
Mais pourquoi ? Mais un commentaire ?
Je sors d’un rêve embrumé
Qui m’a sera long et confus.
Mais conscient, je suis encore plus perdu.
Sur moi dit “tu as fait une chute
Et tu as regagné cette chambre.”
Je ne me souviens de rien ! de rien !
C’est affreux, çà doit être la tête !
Mon Dieu et ma colonne vertébrale !
Ouf ! je puis remuer dans mon lit.
Je fais jouer mes doigts,
j’agite mes pieds,
Je lève les bras.
Tout répond…
Et toi ?
Vais-je oser tâter mon crâne ?
Oui, j’ose, je me hasarde,
Encore et encore.
Il me semble entier,
Pas de point douloureux.
Mes oreilles ? Je sais peut-être ?
Non ! quel soulagement !
Je vérifie encore. Cà va !
Et toi ?
Mais tous mes souvenirs neufs
Sont oubliés ou embrouillés
Et mes projets pour demain,
Envolés !
Et toi ?
Je ne souffre pas vraiment.
Je sens ma tête qui bourdonne.
On me parle, je m’efforce de répondre.
Mon discours reste sensé, à ce qu’on dit.
Dans mon inconscience,
Tout à l’heure, j’avais parlé,
Répondu évasivement aux questions.
“J’ai les membres douloureux” avais-je dit.
Je ne m’en souviens même plus !
Et je ne sens même plus ce mal !
Je pose et repose les mêmes questions.
“Je suis tombé, n’est-ce pas ?”
“C’est samedi aujourd’hui ?”
“Il est bientôt midi ?”
Et toi ?
Désespérément, je perds mes repères.
Je veux y raccrocher mon esprit.
Je fonds en larmes
Comme un gosse coléreux,
Je trépigne, je m’énerve,
Mon esprit court après mes souvenirs
Comme un collectionneur de papillons
Armé d’un filet troué.
C’est grave !
Je le sens bien, moi.
Il faut un médecin !
Hier ? Hier ?
C’était vendredi ?
Qu’ai-je fait ce matin ?
Qu’ai-je fait hier ?
Oui… il a plu,
Il pleuvait à torrents, hier !
Et toi ?
Qu’il est agaçant ce mal de tête.
Cette douleur sourde à l’arrière du crâne.
Supportable quand même
Mais quand même…
Je t’ai saluée hier soir.
Que t’ai-je dit ?
A dimanche, peut-être !
Pourquoi ce “peut-être” ?
Coïncidence !
Après tout ce n’est rien,
Un choc. Cà va passer vite.
Oui, demain tu dois venir
Et je ne pourrai te recevoir,
Non, je crois que je ne pourrai pas.
Il faut te faire prévenir
Et si l’on oubliait de t’avertir ?
Tant pis !
Et toi ?
Quelle fatalité !
C’ est vraiment moche…
Et demain, c’est ma fête !
Il faut que je me repose.
On va sans doute m’hospitaliser.
Demain… Demain…
Un vague sommeil me guette.
Et si demain, et si tout à l’heure,
La nuit venait dans mon esprit ?
Pour ne plus finir !
Non, il ne faut pas s’endormir.
Non, il ne faut pas. Je dois me battre,
Garder ma conscience en éveil,
Coûte que coûte !
Mais si la nuit venait, malgré tout ?
Je partirais sans rien laisser.
Des bricoles effacées par l’oubli et le temps
Et je ne t’aurais pas vue, demain !
Et si quand même la nuit finissait ?
Demain, ferais-je mieux qu’hier ?
Je le crois.
Il est difficile d’être pire que médiocre.
Et toi ?
Tu ne te soucies de rien,
Tu me trouves ridicule.
Et si la nuit venait ?
Et ne finissait pas ?
Et si la nuit n’était pas vide ?
Le catéchisme de l’enfance revient.
Hier, je n’y voyais que superstitions…
Et s’il y avait Dieu ?
Que penserait-il de moi ?
Médiocre aux yeux des hommes,
Sûrement minable aux yeux de Dieu.
Mon Dieu ! que c’est absurde !
Et pourtant,
Le monde s’est-il fait tout seul ?
Mais alors, pourquoi
Le bien, le mal
La douleur, la joie,
La vie, la mort ?
Si Dieu existe,
Il faut qu’il me laisse vivre, demain,
Quand même…
Tant pis si tu viens.
Si je te vois, c’est que je vivrai
Et tout ira mieux, après.
Demain… Demain…
1974
© 2004 NULLART vs. Kinka – “1968, une révolution poétique“
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