Shania chérissait ces moments d’entraînements avec son compagnon d’armes. Elle n’était heureuse que lorsqu’elle combattait, épuisant son corps et vidant son esprit de toute colère.
Chacun de ses coups portaient une violence telle, qu’elle aurait pu mettre à genoux le plus redoutable des adversaires, mais Adjib connaissait sa protégée et contrait aisément ses attaques.
Féline, le corps svelte, agile et souple, la jeune fille se mouvait avec grâce et puissance, déployant son corps comme une liane qui cinglait l’air. Imprévisible et déstabilisante par sa rapidité d’action, elle esquivait tous les coups de son mentor pour sa plus grande fierté.
Des larmes coulaient le long de ses joues, larmes de souffrance, pour ses parents et son peuple massacrés inhumainement, larmes de colère pour ce démon, cet assassin qu’elle désirait tant transpercer de sa lame.
Une profonde souffrance mêlée à de la haine ardente s’était enracinée dans son cœur. Un sentiment qui la tenaillait depuis cette effroyable journée qui changea son âme d’enfant en une douleur amère.
Jamais elle ne tenta d’oublier les hurlements hantant sa mémoire, la violence et la douleur de cette journée maudite. Toutes ces horreurs étaient gravées au plus profond de son âme. Elle savait que cette somme de souffrance injustement offerte par un destin sournois à l’enfant qu’elle était jadis, avait forgé une détermination et une volonté inébranlables, un courage inépuisable et une force brûlante dans son sang, en souvenir de ses parents.
Elle avait accepté la présence éternelle de cette rivière pourpre, symbole de cette douleur qui coulait à jamais dans son cœur. Elle avait trouvé un moyen de puiser dans cette souffrance, de faire de cette vengeance son alliée.
Ainsi, elle grandit. Portant cette douleur qui lui déchirait son cœur et son âme, animée par une haine brûlante. Même, si l’affection d’Adjib apaisait cette blessure morale, elle savait qu’elle ne serait jamais guérie. Shania avait appris à vivre avec, à l’accepter comme partie intégrante de sa vie. Elle y puisa sa force et sa volonté de continuer.
Dans ces moments d’entraînements, Adjib ne reconnaissait plus sa protégée. La jeune femme lui faisait peur tant la haine l’animait.
Elle avait tellement changé depuis le jour où il l’avait trouvée, effrayée et vulnérable.
Shania était devenue une redoutable guerrière et une magnifique jeune femme au tempérament farouche, indomptable qui n’agissait qu’à sa guise.
Au fil des ans, les exercices, lui avait sculpté un corps d’une ravissante beauté qui aurait pu susciter l’envie de nombreuses jeunes filles de son âge et éveiller l’admiration de tout homme qui aurait croisé son regard. Pourtant, aucun n’avait posé ses mains sur son corps. Shania restait insensible aux plaisirs de la chair. Son unique obsession était la vengeance telle une flamme qui brûlait en elle. Souiller ses mains du poison rougeâtre de Celui qui lui avait volé son enfance et les deux êtres les plus chers de son existence.
Assimilant avec une grande aisance tout ce qu’Adjib lui avait enseigné. elle était devenue une véritable machine à tuer, d’une intelligence remarquable. Elle était une guerrière bien avant d’être une femme. Loin, bien loin des conventions féminines qui préparaient les femmes à devenir des épouses soumises et de bonnes mères. Tenir son katana en main, porter sa tenue de combat, participer aux exercices, déterminée à suivre son propre chemin.
Elle passait la majeur partie de son temps seule, s’entraînant ou chevauchant sa plus fidèle amie : Eowna, une licorne à la robe blanche, aux ailes scintillantes et translucides. Elle voulait se sentir libre, briser les chaînes de sa douleur. Elle aspirait à trouver la sérénité, à ne plus être tourmentée par une souffrance aussi brûlante que la haine. Jamais vaincue à ce jour, mais pour la première fois, Adjib la désarma.
— Tu n’es pas avec moi ma belle. Lui dit-il.
Lasse, elle s’effondra en pleurs. Son ami, silencieux, l’enveloppa de ses bras comme cette première fois où il la découvrit, affamée, terrorisée et frigorifiée, seule au milieu de ces corps calcinés.
— Je n’en peux plus. Ce cauchemar, ce tourment, c’est une douleur que je ne puis supporter d’avantage. Sanglota-t-elle.
Il la serrait tout contre lui comme pour la protéger de sa propre souffrance.
— Je ne sais pas si je dois verser des larmes de souffrance ou de colère. Je ne sais pas si je dois vivre ou mourir. Je ne sais pas si je dois oublier ou me laisser submerger par cette envie de vengeance.
Il la serrait aussi fort qu’il le pouvait, tout contre sa poitrine de guerrier comme pour la soulager de sa peine, pouvoir effacer la douleur, ce mal qui rongeait son âme depuis tant d’années. Il aurait tant voulu pouvoir absorber toute cette souffrance en lui mais il savait que c’était impossible.
— Je n’oublierai pas. Je n’aurai de repos tant que je ne tiendrai pas entre mes mains le cœur de ce démon !
Adjib voyait dans ce regard frêle et triste toute la haine qui sommeillait et n’attendait qu’à s’éveiller.
Il ferma les yeux. Le souvenir était douloureux.
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